Le monde (pas si) triste de Courtney Barnett

Cheveux filasses, regard dans le vide, chemise à carreau sur ses épaules rentrées, enveloppées dans un hoodie trop grand pour elle. Attitude. Autant dire que Courtney Barnett, chanteuse de 25 ans vivant à Melbourne, n’en a rien pas grand chose à secouer du regard des autres. Quoique, à l’entendre, c’est un poil plus compliqué que ça. « On dit souvent que l’on projette nos émotions dans les choses qui nous entourent », dit-elle. « L’art est bien pour ça : pour créer une réflexion chez le spectateur. J’en ai quelque chose à foutre du monde et des personnes qui s’y trouvent mais parfois, c’est dur de garder espoir ». De là à dire qu’on la croirait tout droit sortie d’un film de Todd Solondz voire, carrément, d’une Daria à la sauce rock lo-fi, il n’y a qu’un pas qu’elle ne franchit pas pour autant. « Non, Daria est beaucoup plus intelligente que moi. Et peut-être un peu trop cynique. Je ne fais pas preuve de cynisme, juste d’un désenchantement envers le monde », souffle-t-elle. Barnett ne revendique aucune œuvre ou groupe dont elle se sent proche, cultivant ainsi une forme alliant chill et autisme fainéant.

Il n’empêche, à l’instar de l’héroïne de MTV, Barnett fait montre dans ses chansons d’un humour pince-sans-rire un peu las qui fait mouche. La chanson au titre-valise « Avant Gardener » en est la preuve formelle : avec sa diction fatiguée, Barnett raconte que ses voisins l’imaginent construisant un laboratoire de méthamphétamine. Sans oublier le titre de son premier album (disponible et qui sortira le 10 février en France), The Double EP : A Sea of Split Peas. Ouais, un double EP. Pas un LP, un double EP. Celle qui dit avoir commencé « en écoutant des mixtapes avec son frère et en bâtissant des villes de Lego » a une façon toute particulière d’évoquer sa musique, son « journal intime en version audiobook ». Avec de vrais morceaux de vie à l’intérieur, forcément. Si vous pensiez que le titre « I’ve Got a Friend Called Emily Ferris » était un bon exercice absurde, ou bien du second degré, vous vous trompez. Emily Ferris est « l’amie la plus géniale qu’on puisse avoir » d’après Courtney Barnett. « On travaillait ensemble mais elle a déménagé à Sydney ». Sick Sad World.

Quand on est une petite geek – ou freak, c’est au choix – de Melbourne, Dieu sait que faire partie d’une communauté, c’est important. C’est ce qui poussa Barnett à monter son propre label () l’année dernière. « Je n’ai jamais pensé à être ‘signée sur un label’. J’ai juste écrit un disque dans ma chambre et je l’ai enregistré avec mes potes. J’ai donc monté ce label pour pouvoir vendre ce disque aux personnes qui ont senti cette connexion avec la musique » renseigne-t-elle. Un label dont la seule ambition est de « sortir de la bonne musique et de réunir les gens ensemble » et dont le nom vient du « Milk It » de Nirvana, bien sûr, mais aussi de « Sean Penn dans Harvey Milk. » confesse Barnett. Avant de nous clouer le bec : « Et du lait de soja ». Pince-sans-rire, qu’on vous dit.

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