« C’est quoi ce putain de rouge à lèvres? ». Voici comment certains ont du réagir du côté de Tampa, en Floride, à la vue du clip de « Little Killer », premier single du nouvel album de Merchandise sorti fin août. Carson Cox, le chanteur du groupe floridien, y arbore en effet un lipstick du plus bel effet. Et on ne parle pas du rouge sanglant mis en scène par l’autre Cox de l’indie américain, Bradford Cox de Deerhunter, lors de la mémorable prestation de « Monomania » l’année dernière sur le plateau de . Non, on parle bien d’un petit rouge rosé tout ce qu’il y a de plus délicat. Rien de bien méchant, a priori. Sauf que vu la trajectoire de Carson Cox, de son attitude toute en séduction gominée et Ray Ban Noires, ce discret artifice avait tout l’air d’une déclaration d’intention. Une déclaration d’intention du type : « Oui je suis glam, et surtout pas un punk ».
« TEARING UP TAMPA »
Que les choses soient claires : Merchandise n’a jamais été un groupe punk. Leurs premiers enregistrements sont certes lo-fi, mais leur propension à rallonger leurs morceaux hypnotiques et au timbre romantique les différencient des autres héritiers des Dead Kennedys. « Je n’ai jamais écrit sur le fait d’être sobre ou sur mes engagements politiques » nous confirme Cox le lendemain de leur concert parisien fin juin. « Je ne fais qu’écrire sur ce que je ressens par rapport à certains moments de ma vie ».
En revanche, une chose est sûre, Merchandise a commencé comme un groupe de punks. Et pas tendance destruction à la londonienne, mais plutôt du versant hardcore/straight-edge du spectre keupon. Du côté de Tampa, Cox et le bassiste Dave Vassalotti fréquentent à partir de leurs années lycée le milieu underground de cette ville rudement américaine, loin du bling-bling de Miami ou des machine à rêves d’Orlando. Ils en adoptent les codes, deviennent végétariens et rejettent toutes formes de drogues. Une intégration que Cox envisage aujourd’hui comme une simple tentative de socialisation de la part de mecs un peu paumés : « Je m’engageais pour des causes sur lesquelles j’étais incapable de me prononcer. Mes idéaux me venaient donc de mes amis, au bout du compte, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas les miens. Je suis rentré là-dedans pour avoir des camarades. J’étais devenu quelqu’un d’autre, dans le but de plaire à mon entourage ».
Laissé sur le côté de la route par le brutal système scolaire de son pays au sortir du lycée (« Je ne pouvais rentrer dans aucune université tellement mes notes étaient mauvaises. Je n’avais aucune perspective d’avenir » raconte-t-il), le toujours gamin devient livreur de pizzas, crée avec son pote Vassalotti le trio Merchandise et enchaîne les jobs, toujours soigneusement choisis pour leur flexibilité niveau horaires. « Je prenais des jobs qui me permettaient de jouer et d’écrire, que ce soit pour Merchandise ou d’autres groupes, environ quatre LP par an. En 2012, c’est allé jusqu’à douze sorties sous différents formats, genre six albums et une poignée de 45 tours et de cassettes. Cela dit, je ne pensais jamais pouvoir faire carrière un jour ».