Brace ! Brace !, duo d’exclamation pour génération en suspension

S’il fallait trouver un lien entre Brace! Brace! et leur ville d’origine, on irait chercher du côté topographique. De la même manière que le Rhône et la Saône se rejoignent dans le bruit de la métropole lyonnaise, Thibault Picot et Antoine Magnien se sont alliés dans l’effusion du son. « Quand on a commencé à jouer ensemble, on passait des heures à chercher des textures de son avec nos pédales d’effets, faire tourner des boucles d’accords, trouver des dissonances cools » nous raconte Thibault. Un attrait qu’Antoine fait remonter jusqu’à la sortie de la puberté :« J’ai toujours eu une approche de la guitare plus ‘bruitiste’ et je préférais trouver des sons avec ma guitare que composer des chansons quand j’étais ado ». C’est de cette façon d’envisager les possibilités de la guitare que naît le rock centré sur la six-cordes de Brace! Brace!. Seulement supportés d’une boîte à rythme, les deux guitaristes enchaînent sur leur premier EP Worries les riffs au couteau qu’ils dynamisent par un habile jeu fait de ruptures mélodiques. Et de volume. « Ce bruit est partie intégrante du propos des compos, on aurait du mal à les jouer autrement… », disent-ils en choeur.

« Dynamisent » est ici le mot-clé. Les guitares sont puissantes et furieuses, mais n’oublient pas de laisser place au songwriting. « Ce ‘bruit’ n’est pas à prendre comme une simple volonté de faire du violent ou du facile » explique Antoine. « C’est une énergie qu’on aime vraiment et qu’on cherche à associer à une construction mélodique et harmonique ». Il suffit d’écouter le single « Cheeky Lack » pour s’en rendre compte. Tubesque, ce titre pourrait presque passer comme de la pop-funk branchée si ce n’était pour l’explosion de larsens qui suit le refrain. Une approche qu’ils héritent notamment de l’un des guitariste les plus influents de ces dernières décennies : Graham Coxon. « Ce qui me fascine chez Graham Coxon, c’est qu’il maîtrise suffisamment la pop pour pouvoir s’émanciper de ses codes, l’enlaidir, expérimenter et rendre singulier tout ce qu’il touche » décrit Thibaut. « Par exemple ‘Coffee & TV’, c’est un morceau pop parfait avec une super ligne mélodique et de très beaux enchaînements d’accords, mais à la moitié du morceau Coxon fait le choix d’intégrer dans son refrain des larsens, des dissonances… et tout de suite la ballade prend une autre dimension. J’aime beaucoup A+E, c’est d’ailleurs cet album qui nous a décomplexé quant à l’utilisation de boite à rythmes ».

L’influence du très bon dernier album de Coxon est particulièrement sensible dans les trois premières chansons de Worries, « Noise Goes On », « Beats On The Moon » et donc « Cheeky Lack ». Trois morceaux aux structures et à l’esprit aussi insolents que leurs noms l’indiquent. C’est joyeux et ironique en même temps, simple et complexe, dansant et méchant. Un peu à l’image du « What’ll It Take To Make You People Dance ? » que répétait sarcastiquement Coxon dans A+E sur ses beats robotiques. La seconde partie de l’EP explore en revanche des sonorités différentes, se diversifie. Des effets kraut-psychédéliques à la Deerhunter émergent par-ci, des guitares acoustiques se révèlent par-là. « Trash The Gap » quant à elle mange avec délectation l’alt-rock américain de Dinosaur Jr. Une nouvelle palette de son qui accompagne les thèmes abordés par le chant de Thibault qui suggèrent les même souffrances très physiques poétisées par les Pixies ou Pavement (« She Suffocates »). Celles qui accompagnent le passage à la vie adulte.

« On est tous les deux des gars un peu anxieux de caractère » explique Thibault. « Et je crois qu’arrivés à l’âge adulte, nous avons eu tous les deux besoin d’un moyen d’extérioriser nos doutes, nos frustrations… ». Antoine rajoute : « Le titre Worries n’est pas utilisé pour traduire d’énormes problèmes existentiels mais plutôt les remises en questions et les difficultés d’une certaine période de nos vies. La fin d’une époque, le début d’une autre. Rien de révolutionnaire, mais malgré tout ce passage à l’âge adulte est fondamental et marque beaucoup le reste de l’existence. On ne cherche pas à faire passer de messages, ni à s’adresser à qui que ce soit. Nos chansons sont très personnelles, même si nous partageons sûrement les mêmes inquiétudes, envies, peurs, et expériences d’une bonne partie de notre génération ». En attendant, Brace! Brace! partira de ses propres petits moyens à la rencontre des « enfants désillusionnés » de l’Hexagone. Notamment à Paris le 16 septembre prochain lors de la première soirée «  » organisée par DumDum. Où selon Thibault, on peut s’attendre à « du bruit, de l’urgence…et probablement quelques pains ». Entre leur poing et ta face, ce n’est encore évidemment qu’une histoire de confluence.

 

Scroll to Top