Les fumeurs de Strasbourg ont une chance : celle de se trouver à quelques petits kilomètres d’un buraliste allemand aux Marlboro à moins de cinq euros. Par chance, ce n’est pas un de ces paquets qui se trouvaient dans les poches de Nathalie Grosse et Romain Muller, les deux membres fondateurs de Fumer Tue, en toute fin 2013. Sinon, on serait en train de vous vanter les mérites d’un groupe strasbourgeois nommé « Rauchen Kann Tödlich Sein ». Soit une certaine idée de l’enfer. Explications : « Comme on montait un groupe, il nous fallait un nom » raconte Nathalie. « On était dans le salon à se dire “Il nous faut un nom !” et comme on fume comme des pompiers, il y avait forcement un paquet de clopes qui traînait sur la table. Je crois qu’on a pris le premier truc qui nous passait sous les yeux. Du coup, Fumer Tue est resté ».
Fumer Tue est en effet né sur un coup de tête, comme une sorte de challenge : « On s’était décidé à faire « un band marathon’. Quinze jours pour claquer un groupe, un EP, tout ce qui va avec. On avait même réussi à choper une date sans même avoir de chanson. On a réussi a terminer à temps, à faire ce concert. Et finalement à continuer ! » Ce premier EP, Flying In The Supermarket, présente sans surprise des morceaux hyper DIY à la présentation bancale, mais réussit déjà à affirmer l’identité du projet, entre garage physique et new-wave synthétique aux accents techno. Un affrontement entre nuances de sombre qui se retrouve dans les goûts du duo, devenu trio avec l’apport de Nelly Grandjean à la basse. Nathalie à la relance : « On a trois “races” musicales distinctes, on passe notre temps à combiner ! je suis plutôt techno/electroclash, Romain plus dans la coldwave/synthwave, et Nelly dans le post punk et le garage. On a tendance à être curieux de choses pointues dans nos goûts respectifs et on se bat dans nos propres sous-sous-sous catégories. Mais c’est clair que pour quelqu’un qui n’a pas de culture “alternative”, nos goûts semblent totalement identiques. Donc oui en fait, on s’est bien trouvé et on regarde tous dans la même direction. Apparemment c’est la vraie définition de l’amour ».
Deux autres EP suivront, The Son Of The Beast puis Dune sorti ce septembre. Le son de Fumer Tue prend de l’ampleur, les compositions se font de plus en plus intéressantes. « Violence » notamment est la parfaite illustration de l’immédiate complicité qui se dégage du duo au micro, entre la complainte caverneuse de Romain et la malice aiguë de Nathalie. À vrai dire, elle peut parfois sonner comme un . Mais c’est aussi ça, le charme du trio : ces quelques grains exubérance et cette instabilité un peu guignolesque qui sépare Fumer Tue de leurs trop sérieux camarades de l’obscur. Un contraste que l’on retrouve dans l’image très soignée du groupe, entre abondance de clichés new-wave/futuristes et prestance naturellement rock. « Il y a effectivement une culture de l’esthétique chez nous mais qui se fait de manière hyper naturelle. On ne va pas essayer de ressembler à un truc précis. On a toujours ce paradoxe qui nous colle a la peau, qui fait partie de nous. On aime les trucs sombres mais il y a toujours un brin de folie. Du coup ça donne des choses dark mais colorées ».
« Antartic » qui ouvre Dune est d’ailleurs l’un des morceaux les plus ridicules, dans le bon sens du terme, que vous pourrez entendre en cette rentrée. Outre son synthé hyperactif, le refrain est un glorieux n’importe quoi fait des « hey ! » et des « Jesus Christ ! ». Parfait pour répéter avec le groupe en live, là où Fumer Tue se sent le plus à l’aise : « On ne s’est jamais fixé d’objectifs pour le groupe, le seul truc que l’on veut vraiment, c’est continuer à faire des concerts et faire danser les gens. On compose des chansons pour faire des live et pas des live pour donner vie à des chansons qu’on aurait enregistrées comme des maniaques ». A voir en chair et en os donc, notamment à Paris pour , le 14 octobre prochain. Fumer Tue au Café Charbon, donc. Il y aura de la cendre.