Alors que le monde découvre leur troisième album, le plus complexe, radical et psychédélique de leur carrière, Ben Goldwasser et Andrew VanWyngarden semblent suivre la trajectoire inverse. Ils reviennent volontiers sur les débuts fracassants de MGMT et sur les marques que ceux-ci ont pu laisser sur leurs personnalités, eux qui, ils le jurent, n’ont rien demandé à personne. Ils mènent désormais des vies qu’ils qualifient eux-mêmes de « normales », des vies de trentenaires new-yorkais comme tant d’autres. Musicalement, disons-le tout de suite, MGMT est un album difficile. Trop touffu, souvent boursouflé par une production sans ligne directrice, il est d’abord l’oeuvre de deux musiciens qui ont décidé de faire, pour la première fois, les choses à leur façon.
Le succès que vous avez connu avec MGMT, du jour au lendemain, a manifestement laissé quelques cicatrices. Vous ne vous en cachez pas vraiment d’ailleurs. Tout cela appartient-il désormais au passé ?
Ben Goldwasser : À l’époque, c’était bien trop gros pour nous. Désormais, tout va bien. Nous sommes des gens plutôt effacés, introvertis, et ce n’est pas comme si nous avions cherché à devenir des rockstars. Ça nous est tombé dessus. Et malgré tout le fun en surface, on a été jetés dans une situation sans avoir la moindre idée de comment la gérer. Parfois, j’ai une peur bleue de repartir en tournée, car dans le passé ça a plusieurs fois failli mener à mon auto-destruction pure et simple. J’aime penser que j’ai grandi depuis cette époque. Aujourd’hui, on sait se donner davantage d’espace.
Andrew Vanwyngarden : Ce qui a changé, c’est que Ben et moi sommes désormais dans une position de force, celle de pouvoir dire « non ». Et quand nous n’avons pas envie de faire telle ou telle session photo, tel ou tel événement, on dit simplement « non ». À New-York, on mène des vies plutôt rangées, tu sais, rien d’extraordinaire. Ce qui importe, c’est de conserver notre public en tant qu’artistes capables de changer de forme dès que le besoin s’en ressent.
Il n’y a rien dans le passé que vous aimeriez modifier ?
AV : Je ne crois pas que je changerais quoi que ce soit. Au départ, c’était une aventure un peu folle, et j’aime pouvoir me souvenir de l’excitation autour du premier album, puis me remémorer toute la palette de sensations qui a entouré la sortie du deuxième. Et ces chansons qu’on a écrit à l’université qui étaient plus ou moins des prédications… tout ça, je ne veux pas y toucher.
Qu’avez-vous fait depuis la fin de la tournée Congratulations ?
AV : C’était plus ou moins mon premier vrai break depuis la sortie du premier album.
BG : J’ai beaucoup étudié l’informatique et l’acoustique, histoire d’appréhender un peu mieux la musique, de connaître plus en profondeur son fonctionnement. À la base c’était seulement pour que mon cerveau continue à fonctionner, parce qu’en tournée, tu joues, tu fais la fête, mais je suis devenu complètement stupide. Il m’a donc fallu remédier à cela (il rit). J’ai lu pas mal de bouquins sur le sujet, et je peux dire qu’aujourd’hui je serais capable de construire mes propres instruments et bidouiller mes synthétiseurs.
Il y en a d’ailleurs beaucoup plus sur ce nouvel album. Ce sont ceux que tu as bidouillés ?
BG : Il y en a quelques uns, oui. L’idée était de faire marcher tout un tas de séquenceurs en même temps, de lancer la machine et d’être capable de la maîtriser, d’ajuster le tout et de créer des moments par chance.
AV : Plus qu’avant, les morceaux viennent d’improvisations. On a beaucoup jammé sur nos synthés, avec nos séquenceurs, et l’idée était de trouver LE moment. C’étaient des jams de trois, quatre heures, on ne savait plus qui avait joué quoi, et on a fouillé dans ces archives pour en extraire le meilleur et construire des morceaux autour.
C’est aussi votre album le plus « drogué » de tous. Et de loin.
AV : On ne prend rien, en tout cas jamais en studio. Ce n’est pas un outil d’écriture. Mais on se sert d’expériences passées pour alimenter les chansons, la production. Ce qui est certain, c’est que certaines drogues donnent une perspective nouvelle aux chansons.