Il va au cinéma environ trois fois par semaine. Mais ce n’est pas (juste) pour ça que nous avons discuté avec Perez. Non, la raison, elle est beaucoup plus belle, et elle s’appelle Gamine. Gamine, c’est le nom du nouvel EP (déjà disponible) de Julien Perez, ancien Adam Kesher et nouvelle tête de la pop de chez nous. Trois titres, et autant de couleurs, de celles qui rendent magiques certains plans, images des virées en bagnoles de nuit, de préférence sur la côte californienne. Les textes de Perez sont des histoires, la musique les met en images. Un EP cinématographique donc. Voilà pourquoi nous tenions à parler de Fincher, de Lynch, et de Jurassic Park, avec l’artiste.
Cette idée de musique mettant en avant le texte, c’est un processus conscient, ou c’est le résultat de ton analyse a posteriori ?
Parfois, c’est très réfléchi. Mais je ne bosse pas sur le texte d’un côté et la musique de l’autre. J’avance pas à pas, je modifie la musique en fonction du texte, et inversement. Tout avance ensemble, et c’est très organique. Je ne fais pas les choses séparément. Quand tu fais de la pop, l’enjeu est gros : tu es supposé partir d’une situation partagée par tous, ultra archétypale, comme l’histoire d’un mec qui tombe amoureux d’une fille, mais pour en faire autre chose. Il faut mettre du surréalisme dans le quotidien. Je ne suis pas fan de la grandiloquence dans l’écriture. Je suis plutôt sec et précis. Les choses simples, sans impact sur le papier, peuvent devenir belles quand elles sont mises en musique. Certains de mes titres comme « », ou même « Le Rôdeur », ont quelque chose de cinématographique. C’est linéaire, on laisse l’histoire se développer, et la musique est là pour insister sur certains passages, de la même manière que dans un film, la bande originale sera là pour te tirer les larmes ou te faire peur. « Une Autre Fois », typiquement, je l’ai pensée comme ça, comme une musique en forme de BO pour le texte. J’ai été très inspiré par un titre de Pierre Vassiliu, qui s’appelle justement « Film ». Il y raconte qu’il va au Bois de Boulogne pour aller voir une prostituée, qu’il tombe amoureux. C’est une histoire très bien développée.
Et les clips, tu y penses à quel moment ? Et d’ailleurs, c’est toi qui y pense, ou d’autres le font pour toi ?
Sur les premiers clips, j’étais très investi. Sur le premier EP, je faisais ça avec des potes proches. Mais sur le prochain, Gamine, j’avais du mal à penser à une image. Le morceau repose sur un fantasme, celui d’une fille, et illustrer ça de façon trop littérale ne pouvait que donner un résultat larmoyant et un peu cul-cul. Il fallait quelque chose de visuel, de graphique. Nous sommes allés voir plusieurs boîtes de production, pour voir ce qu’elles pouvaient nous proposer, mais en gardant vraiment le champ ouvert. Et finalement, ce binôme anglais, Natalia et Thomas, a eu une idée : des cages, des réflexions.
Sec et précis, c’est aussi une définition du cinéma que tu aimes ? Plutôt David Fincher que Terrence Malick par exemple ?
Je suis un grand fan de . Pour moi, c’est le cinéaste sec par excellence. Quand la violence arrive dans ses films, c’est toujours abrupt, tu n’es pas préparé. C’est comme chez John Cassavetes, il y a peu d’ornement, tout est très cassant. Mais c’est marrant que tu parles de Terrence Malick, car je suis fan des Moissons du Ciel, de La Ligne Rouge et de La Balade Sauvage, mais pas du tout de ses films récents, son délire ésotérique. Je trouve ça vraiment dur. Alors qu’à l’inverse, je suis très fan des derniers Fincher. Je trouve qu’il a abandonné ses tics de pubard : Zodiac, c’est un très grand film.
La BO, tu y songes ? L’exercice t’attire ?
Parfois, quand je suis en studio, je peux me dire que telle ou telle chanson fonctionnerait dans un film, pour illustrer un paysage ou une situation. Donc oui, évidemment, une de mes chansons dans un film, je suis preneur. Mais de façon générale, je ne suis pas fan des bandes originales qui enchaînent les chansons pop ou rock sans logique. Quand c’est Martin Scorsese avec les Stones, évidemment, rien à dire, c’est parfait. Mais parfois, surtout dans le cinéma français contemporain, la musique est la dernière roue du carrosse. Avec Adam Kesher, ça nous est déjà arrivé : une maison de prod nous appelle pour une chanson, mais le budget est bouclé, et ils n’ont pas d’argent. C’est la preuve que ça vient en dernier dans le projet. Mais en terme de bande originale, l’une de mes préférées est celle d’un des premiers films de Todd Haynes, . C’est au synthé, ça fait penser à du Lynch, et ça fonctionne, c’est au moins aussi important que l’image dans ce que tu vas garder du film.