Taylor Swift devient-elle une hipster de base ?

Oui, elle dit détester les hipsters. Dans ses récents singles, Taylor Swift est pour le moins virulente envers les hipsters, par petites piques lancées au détour d’un couplet. N’est-ce pas là le signe ultime d’appartenance à cette caste ? « It seems like a perfect night/To dress up like hipsters/And make fun of our exes », entonne-t-elle ainsi sur «  », extrait de Red, son dernier album sorti en septembre 2012. Précisons que dans le clip dudit single, elle arbore un style proche du hipster, justement : T-shirt blanc à message subliminal « Not a lot going on at the moment », trait d’eye-liner et rouge à lèvres sophistiqués, short taille haute en jean, frange droite, chapeau en feutre façon étudiante en arts et lunettes en forme de coeur pour surmonter le tout. Taylor a donc dit adieu à ses parures kitsch du début. Dès le clip de « You Belong With Me », en 2009, elle arborait des montures XXL, pour se donner des airs d’intello arty. Le début de la transformation. Sur «  », l’autre single de Red, elle se paie la tronche d’un ex-boyfriend pédant qui osait trouver du réconfort dans des albums indé : « And you/Will hide away and find your piece of mind/With some indie record/That’s much cooler than mine ». Prend-toi ça, sale hipster briseur de son cœur.

Peut-être que non, sa musique est de plus en plus mainstream. Taylor Swift n’a pas changé que dans le style vestimentaire. Sa musique connait une évolution frappante (osons les grands mots). Déménagée à Nashville en pleine adolescence, cœur de l’Amérique cow-boy, elle y a percé avec ses hymnes country-folk emprunts de bons sentiments. Avec Red, sorti en 2012, tout change. Le producteur suédois Max Martin, à l’origine de « Baby One More Time » de Britney, s’attelle à changer l’image de la demoiselle, et ça marche : rangés banjos et violoncelles ambiance saloon et chamallows au coin du feu, bonjour synthés et boîtes à rythmes résolument dance. Vous avez dit plaisir coupable ? Il y a pire : elle y signe en forme de balade pop-folk avec Ed Sheeran, folkeux rouquin qui s’occupait des rejetons One Direction jusqu’à présent. Tous ces changements s’avèrent fructueux : Red a explosé le record du nombre d’albums vendus en une semaine depuis 2002 aux Etats-Unis (1,21 millions), où il s’est depuis écoulé à plus de quatre millions d’exemplaires. Moins country, plus pop, Taylor Swift est devenue une artiste plus facile à assumer. L’occasion pour les hipsters de prouver à nouveau leur éclectisme. Et puis, Woodkid a réalisé le clip de «  », sorti en 2011. L’argument ultime.

Peut-être, mais comment on appelle un hipster qui devient cool ? À ses débuts, elle explorait souvent le thème de « l’outcast », le fait d’être LA personne étrange qui n’arrive pas à trouver sa place. Dans « You Belong With Me », elle se morfondait de voir le mec de ses rêves fricoter avec la peste du lycée, capitaine des pom-pom girls : « She wears short skirts/I wear T-shirts/She’s cheer captain/I’m on the bleachers » (nous noterons au passage la petite pointe de « slut-shaming », récurrente chez Swift). Taylor se présentait aussi, en interview, dans le rôle de l’ancienne collégienne timide snobée par ses petits camarades. La fille décalée par excellence. Depuis, mémère a bien changé. Toujours dans « 22 », on peut entendre une fille demander d’une voix blasée : « Who’s Taylor Swift anyway ? » Dans le clip, Taylor fait une entrée fracassante en soirée, spotlight et bande de copines qui la suivent façon garde rapprochée. Bim. Summum du nombrilisme. Taylor est au centre des conversations, et en joue. Un renversement de discours total. La messe est toute autre aujourd’hui : Taylor est cool, et c’est elle, à présent, la reine des soirées.

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