Nouvelle scène pop française : dissection d’un phénomène

On nous les avait vendus comme les artistes du renouveau de la pop française : Lescop, Aline et Granville devaient enfin remettre un peu de baume au cœur des mélomanes et des amateurs de beaux textes, réconcilier les hipsters et le grand public en vendant des wagons de disque. On en a fait des compilations, des d’hebdos culturels. Certains croyaient, ou au mieux ils espéraient, à une petite révolution. Sauf que la réalité est un peu plus compliquée.

Commençons par parler chiffres. Avant l’été, Lescop avait écoulé 20.000 exemplaires de son premier album éponyme, Granville avait fait mettre Les Voiles à 15.000 curieux et quant à Aline, ce ne sont « que » 6.000 à 7.000 gonzes qui avaient dépensé une partie de leur SMIC pour le premier album de ces garçons romantiques. Et si nous ne disposons pas de chiffres précis quant aux ventes de La Femme, elles se situent, malgré leur live très remarqué au Grand Journal, entre ces deux derniers groupes. Et Génération Goldman ? 700.000. Sept. Cent. Mille. Quitte à enfoncer une porte ouverte, disons-le tout de go : NON, la « nouvelle scène pop française » n’a pas touché le grand public. Elle a au moins, et c’est déjà pas mal, permis d’installer quelques groupes.

Relativisons les chiffres d’abord : ils ne sont pas fondamentalement mauvais. Parler d’échec commercial hérisse les poils de Florian Leroy-Alcantara, manager de Lescop chez Pop Noire : « Nous sommes très heureux de ce qui se passe sur Lescop, de savoir que notre artiste vit enfin de sa musique, que sa musique résonne dans les médias spécialisés et populaires. En tout cas, je connais peu d’artistes cette année qui ont autant fait parler d’eux sur un premier album. » Pas faux, clairement, mais le Rochelais, tête de gondole de cette nouvelle vague, pouvait peut-être espérer mieux avec son plan média en béton armé (coucou Mercury, coucou Michel Denisot, coucou Les Inrocks) et la filiation assumée d’avec Etienne Daho.

Même son de cloche chez le chanteur d’Aline, Romain Guerret : « On est super content de notre score, les ventes sont constantes depuis la sortie de l’album. On devrait finir vers 10 ou 12.000 exemplaires à la fin, donc pour nous, quelque part, c’est pari tenu ! » Loïc Bony, directeur artistique de East West, qui a signé Granville, ne dit pas non plus le contraire : « C’est un super score pour un jeune groupe en développement ! C’est vrai que Granville et La Femme ont peut-être un peu plus buzzé que les autres, mais normalement, c’est 4.000 disques qu’on aurait dû vendre, pas 15.000 ! » Concernant La Femme, à défaut d’avoir réussi à joindre Barclay (dépositaire des ventes de CD et digitales), chez Born Bad Records, on est également satisfait : « Le vinyle s’est bien vendu », nous informe-t-on. Tout le monde est content, en gros. Et, quelque part, ils ont raison. Car au-delà des chiffres, tous ces groupes cartonnent en live. Aline est booké jusqu’en fin d’année, malgré peu de festivals cet été (« Les trois Francofolies et quelques « petits » festivals comme Heart of Glass, Heart of Gold », dixit Guerret), la majorité de leurs concerts est blindée et le public, très réceptif.

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