La Souris Déglinguée: Notre jeunesse était l’histoire de Paris

La Souris Déglinguée va livrer son traditionnel concert annuel parisien, aussi inévitable et attendu que le clasico PSG-OM. Si la formation n’a jamais eu droit à la reconnaissance critique des Thugs ou encore la popularité de la Mano Negra, les fans lysergiques savent très bien qu’il n’exista jamais dans l’hexagone qu’un seul groupe de rock digne de l’héritage improbable de François Villon et des Jams.

En concert à l’Olympia le samedi 9 mai (première partie surprise et multiple)

La Souris Déglinguée est la meilleure formation de rock français de tous les temps ! Que cette affirmation laisse perplexe 90 % des auto-proclamés experts avisés de la chose rythmique sous perf’ de guitare électrique – des Inrocks en passant par Magic et Rock’n’folk – ne produit qu’indifférence polie – pour le rester – de la part du partisan en relation quasi-fusionnelle avec son « groupe ». Bien que nés dès  1979, ils n’ont rien à voir avec les premiers punks branchés parisiens – eux sont de banlieue populaire – ni non plus ensuite durant les années 80 avec la scène alterno (Bérus, Ludwig, Garçon Bouchers, etc..)  dont ils ne partageaient pas franchement le goût pour la commedia dell’arte gauchiste. Ils ne sont d’aucune mouvance ni tendance, mais ils ont hérité du mandat hexagonal des Clash, des Meteors, des Jams et de Madness (et un peu des Ramones) . Refusé au départ par Polydor qui venait de signer « les forbans » et n’avait donc pas besoin d’un autre groupe « punk » (à en croire l’excellent livret de la compilation de versions rares enregistrées en 1980 «As-tu déjà oublié ? »), ils défendent depuis plus de 30 ans une certaine conception du macadam tribale et sonore.

Tout débute ainsi fin 79, début 80, époque mythique – et donc un peu mythologique, voire apocryphe – ou entre le boulevard des Italiens et la fontaine des Innocents aux Halles, du squat des Vilains au Gibus, de jeunes gens inconditionnels de ce qui passait de l’autre coté du channel réinventent la légende des apaches des faubourgs. Une incroyable cour des miracles dont nos muridés vont devenir bien malgré eux l’épicentre (avec un concert à l’Opera Night qui tournera au cauchemar policier et les éloignera un temps de la ville lumière). Avec dans l’ordre, ni alphabétique ni chronologique : des fiftos futurs bikers (des Del Vikings – voire le très beaux livre « Vikings et Panthers » chez Serious Publishing – aux Sharks), des skinheads mahométans, cashers voir futurs chanteurs reggae, quelques punks eurasiens,  des dames d’Éthiopie et des demoiselles du Laos, un ancien mod de Montrouge, des rockers de Belleville, un teddy boy de Romainville qui bientôt découvrira le hip-hop et conseillera plus tard à Tai-Luc  deux petits gars de Saint-Denis pour leur première partie – au nom étrangement peu respectueux des liens familiaux -, une petite punk qui danse le bop et future star de cinéma, des bastonneurs anonymes, un psycho black terrorisant les salles à chacune de ses apparitions, un ex de la marine nationale bientôt reconverti dans l’animation pas toujours amicale des tribunes du PSG, etc… La liste serait trop longue – et il suffit de surfer sur le site qui leur est consacré pour découvrir les multiples visages de cette Raya, ainsi que de ses narrateurs comme Laurent Chalumeau – pour s’y  risquer sans oubli gravissime.

Tout cela a été raconté mille fois dans des fanzines gnostiques ou dans la lettre du groupe « lima sierra delta »,  sans oublier l’ouvrage qui leur fut consacré au Camion Blanc sous la plume d’un fin connaisseur, par affinité fraternelle, de cette aventure. Et bien sûr la politique. Si le groupe n’a pas d’étiquette propre, il a toujours parlé de la chose, à sa manière, de l’hommage aux rebelles afghans face à l’envahisseur soviétique au souvenir de la guerre d’Algérie (« Les Parents à Chantal ») et la défense des  « heureuses parisiennes » d’origine algérienne ou cambodgienne (« Marie-France »). Après, que chacun reconnaisse ses petits. Dans les concerts encore aujourd’hui tout le monde ne chantent pas tous les morceaux avec la même force et la même conviction.  Beaucoup ont forcément reproché à La Souris son manque de rigueur,  de fréquenter tout le monde. La montée du FN à partir de 1986 durcit les positions, tout comme le « triomphe » du rock alternatif qui s’est dégagé une place en partie en triant entre les « gentils » et les « méchants » dans les franges urbaines marginales, marquent la fin d’une ère.  LSD, le seul groupe de rock dont aimerait  avoir entre les mains Les Cahiers de L’herne.

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