Faut-il définitivement oublier Best Coast ?

Oui, leur rock californien est devenu fade. Le premier album de Best Coast, Crazy For You, entre hommages aux girl-bands de Phil Spector et garage-rock, est sorti en 2010. A grands coups de , sortes de gorgées de soleil californien gonflées aux embruns de l’Océan Pacifique, ils font mouche. Timide, Bethany Cosentino cache sa voix derrière des nappes de réverbération du gros nounours asiat’ qui lui sert de comparse, Bobb Bruno. Ses sujets de prédilection ? L’amour (elle sort depuis 2007 avec Nathan Williams, le chanteur de Wavves), drogues (tiens donc), son chat et spleen (prends ça Baudelaire). Sur scène, ça ne casse pas trois pattes à un canard, mais ça tient debout. En 2012, Best Coast sort son deuxième album, The Only Place. Et là, c’est le drame. Ils ont décidé qu’ils devaient désormais être pris au sérieux. Exit la réverbération, madame assume sa voix nasillarde et carrément fausse par moments. Et puis exit la guitare électrique saturée : avec pleins d’effets de pédale, place à une acoustique rappelant Alanis Morrissette. En voulant brasser plus large, Best Coast a égaré son swag en route, ne devenant plus que l’ombre de lui-même.

Oui, ils ont vendu leur âme. Au-delà de la musique, Bethany Cosentino développe un style « so indie » savamment travaillé, histoire de dragouiller les lecteurs de Vice et de (presque) devenir une marque à part entière, incarnant à la perfection le « Californian way of life » à grand renfort d’ironie et d’auto-références. Coloration blonde faite à l’arrache, robes aux motifs improbables (donc à fort potentiel cute) vestes en jean trop grandes pour elle et t-shirts ironiques de hard-metal (sans oublier ses tatouages vintage). Sur , elle affiche , ses nouvelles tenues, ses selfies de lendemain de cuite, ses passages préférés des Simpsons et son amitié avec Drew Barrymore. S’il n’y avait que ça… car elle finit par passer du côté obscur : elle participe à une campagne de pub pour Converse (aux côtés de Kid Cudi et Rostam Batmangli de Vampire Weekend) et signe une ligne de vêtements pour la marque über-cool Urban Outfitters. Et encore, si ça s’arrêtait là. Best Coast se retrouve même fin 2012 dans une pub pour Windows 8 (voir la vidéo ci-dessous). Oui, Windows 8. Bethany se met aussi en avant avec son boyfriend, Nathan Williams, autre groupe de référence sur la scène surf/garage californienne. La paire se retrouve même en couverture de Spin à l’été 2012, souriants et beaux comme des Dieux de la hype au milieu des vallées arides du Sud de la Californie. De quoi remplir tout un catalogue Topshop.

Peut-être pas, il y a encore un semblant d’espoir. Fade Away, EP de 7 titres annonçant la sortie de leur prochain album, ne nous rassure qu’un peu. Même si ça ressemble davantage à un gimmick qu’autre chose, quelques moments ramènent au coup de foudre de Crazy For You. On y retrouve les miaulements camés de Bethany (« This Lonely Morning »), des refrains langoureux (« I Wanna Know ») et une pépite à la Wavves, « Who Have I Become ? ». Gimmick, donc. En revanche certains morceaux sont vraiment faibles (« Fade Away », « Baby I’m Crying », « I Don’t Know How »). L’ensemble n’est pas aussi séduisant que les premiers singles du duo, mais lorsque le pastiche sixties « I Don’t Know How » est sorti, on ne donnait pas cher de la peau de cet EP. On y trouve donc de bons moments, mais entre des chansons prévisibles et une esthétique qui ne se renouvelle pas, difficile de se défaire de l’impression que le groupe essaie en vain de renouer avec ses débuts. Reste à voir si Apple mettra la main sur un de leurs titres pour sa prochaine pub. Ou si Bethany se retrouvera à cachetonner auprès d’Asos. 

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