Il est une scène de la série Mad Men qui a marqué les mémoires. Dans l’épisode 8 de la saison 2, titré A Night To Remember, Don et Betty organisent un diner en compagnie de collègues à la casa Draper. Pour rappel, quelques semaines plus tôt, Don avait suggéré aux commerciaux d’Heineken de vendre leurs bières dans les supermarchés de banlieues huppées, afin de séduire les parfaites mères de famille. Ce que Betty ignore alors, c’est que Don avait spécifiquement organisé ce diner pour prouver à ses collègues que cette stratégie marketing pourrait fonctionner. Et il avait raison : sans qu’il ait eu à le lui suggérer, Betty avait acheté des Heineken pour l’apéritif.
L’une des plus grandes réussites de Mad Men est d’avoir su remettre en perspective la dynamique du couple des années 60 et, grâce au personnage de Peggy Olson, d’illustrer la difficile trajectoire d’une femme qui désire être respectée et acceptée par le monde des hommes sans pour autant y laisser sa dignité, sa féminité ou son indépendance. Si la scène décrite ci-dessus n’est pas le reflet exact de notre sujet, il permet surtout de montrer que le couple Draper est un stéréotype : l’homme est aux affaires, il est réfléchi et représente l’autorité, quand la femme doit être légère, souriante, séduisante. Il est rationnel, quand elle est constamment la victime de ses émotions.
Le parallèle est peut-être tiré par les cheveux, mais ces dernières années, le monde de l’indie-pop a sérieusement réadapté ce schéma. Alors que le modèle du groupe de rock qui domine la pop depuis un demi-siècle s’effondre, la formule « duo fille-garçon » a le vent en poupe. Plus simple niveau logistique et plus intéressant financièrement. Nous n’en avons pas fait un inventaire exhaustif, mais voyez plutôt cette liste d’exemples récents : AlunaGeorge, LaRoux, The Hundred in the Hands, Purity Ring, She & Him, Sleigh Bells, Summer Camp, Cults, Fiery Furnaces, The Raveonettes, Tennis, The Ting Tings, Wye Oak, The Knife, Blood Red Shoes, Crystal Castles ou encore MS MR.
Prenez la liste ci-dessus, et vous comprendrez que dans l’écrasante majorité des cas (hormis quelques chansons par-ci, par-là) c’est la femme qui tient le micro. Jusque là, aucun problème. Maintenant, commencez à vous interroger. Qu’est-ce que cela signifie ? Et, surtout, quel est le rôle de l’autre moitié, la partie masculine, dans tout ça ? Qui savait que LaRoux était un duo ? Tapez “LaRoux” sur et vous verrez le résultat.
LaRoux (au complet)
Dans ces groupes, le garçon cogite derrière ses instruments pendant que la fille s’agite face au public. Musicalement, la moitié masculine est presque exclusivement préposée à la production et à l’écriture. Quant à l’autre moitié, son boulot est principalement de s’occuper des mélodies et, dans certains cas, des paroles. Lui s’occupe du squelette des morceaux ; elle a en charge les tâches frivoles. On ne cherche pas ici à nier l’importance des mélodies (bien au contraire), mais dans ces duos la place de la femme est triviale : elle est réduite, littéralement, à un rôle de « façade ». On ne lui alloue pas les tâches lourdes, celles qui demandent des connaissances techniques et théoriques. Artistiquement, elle est dépendante de l’homme.