Faut-il abandonner le cadavre d’Aaliyah aux charognes ?

Non, elle mérite ce retour de hype. Il faudra l’admettre un jour : de toutes les divas du RnB qui ont surgi à la fin du siècle dernier, Aaliyah était sans doute la plus curieuse et la plus ouverte musicalement. Si bien que depuis sa mort en 2001, son influence n’a cessé de se répandre. Le phénomène s’est d’ailleurs accentué ces derniers temps avec l’arrivée d’une armada labellisée « alt-RnB » sur le devant de la scène musicale. Leurs noms ? How To Dress Well, AlunaGeorge, inc. ou encore Stubborn Heart. Fièrement imbibés des folles mélodies qui font le sel des œuvres d’Aaliyah (« », extrait du premier album d’A$ap Rocky et dont le sample est tiré d’un inédit de la miss, est en cela un cas d’école), tous ces artistes remodèlent aujourd’hui, entre orchestrations soyeuses et tubes instantanés, un impressionnant catalogue de morceaux sensuels et vaporeux. Pas mal pour une jeune femme qui vouait une admiration sans partage à… Barbra Streisand.

Oui, Timbaland est à l’agonie. Il est vrai que la carrière d’Aaliyah n’aurait certainement pas été la même sans l’apport de ce faiseur de tubes, et inversement. Car, si le succès de Age Ain’t Nothing But A Number, son premier album produit par ce bon vieux queutard de R.Kelly (elle avait 15 ans à l’époque) est indiscutable, c’est bien Timbo, grâce à ses productions (dis)tordues, qui fera d’elle le symbole du RnB féminin. Et si son CV de producteur n’est plus aujourd’hui qu’un immense foutoir d’où il est difficile de tirer une logique, cette hype autour du alt-RnB syncopé devrait lui permettre – pour le moment – d’échapper à la case Pôle Emploi. Ces petites escapades avec M.Pokora, Ricky Martin ou les Jonas Brothers lui servent davantage à renflouer son compte en banque plutôt qu’à faire étalage de ses bonnes idées, celles qui lui ont autrefois permis de produire « » ou « » pour celle qui a joué dans Roméo doit mourir.

Non, ses disciples commencent à faire n’importe quoi. Aujourd’hui, entre les rumeurs qui entourent la sortie d’album posthume – Drake tiendrait la corde pour le produire le cas échéant -, sampling (« » de The Weeknd) et les bus entiers de jeunes gens qui s’inscrivent dans sa lignée, Aaliyah est partout. Dans l’idée, c’est très bien. Le problème, c’est qu’en dehors de quelques très bons, trop de producteurs en herbe s’engouffrent dans la brèche du pompage mal senti, dans le détournement de sens de cette icône bizarre devenue underground. Ces quelques réserves émises, on ne se privera toutefois pas de saluer l’incroyable aura dont semble toujours jouir Aaliyah dans le grand cirque pop. Eh oui, on a bien dit pop. Allez demander à The xx et James Blake ce qu’ils en pensent.
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