Dents du bonheur, amour fou et rock cracra : le portrait ultime de Mac DeMarco

« Ouais, c’est vrai que j’ai mis beaucoup de conneries sur Internet » s’amuse Mac DeMarco à l’évocation des dizaines de photos improbables de sa personne disponibles sur . Son bassiste Pierce McGarry va jusqu’à parler d’un « syndrome de Tourette non diagnostiqué ». Selon ce dernier, d’étranges rumeurs égrènent l’existence de Mac DeMarco. Il prend pour exemple celle qui l’envoie dormir nu dans un sac poubelle, tartiné de Vaseline dans le but de collecter des billes de sueur pure pour un radical exercice d’hydratation. Ce genre de choses. Avant de devenir la réincarnation lo-fi de Macaulay Culkin, le canadien était testeur pour l’industrie pharmaceutique. Enfin, « rat de laboratoire humain », comme le pose son batteur Joe McMuray. « Mac faisait des trucs étranges, poursuit-il, genre courir sur un tapis roulant avec des patchs sur la poitrine. Il se rendait à des tests comportementaux bizarres. Pour un non-francophone, c’était à peu près le seul job qu’il pouvait faire à Montréal ».

Pas de doute, on a bien à faire au même mec qui s’enfonce une baguette de batterie dans la croupe en plein concert, qui confesse avec le sourire avoir « montré des photos de son pénis » à Tyler, The Creator et qui (aussi) enchaîne les disques imparables depuis 2009. Cela dit, bien que faire marrer son entourage a toujours été une activité bien plus importante à ses yeux que devenir une rock star, le bonhomme de vingt-trois ans est décrit par ses proches comme quelqu’un de « mature » et de « responsable ». Pas exactement les premiers mots qui nous seraient venus à l’esprit.

PERE ABSENT, EDMONTON ET LES DENTS DU BONHEUR

Canada, Colombie Britannique, 1995. Le petit Mac n’a que 4 ans quand sa mère, Agnes DeMarco, décide de quitter la petite ville de Duncan. La raison : s’éloigner d’un père qui a de sérieux problèmes d’addiction et se rapprocher du reste de la famille, basée dans la capitale de l’Etat d’Alberta, Edmonton. C’est dans cette ville de 730.000 habitants plus connue pour son équipe de hockey sur glace que pour sa scène musicale qu’Agnes, Mac et Hank, le frère cadet, vont durablement s’installer. Souvent enneigé, l’endroit est « parfait pour éduquer des enfants », selon les mots de la matrone, qui se débrouille seule pour élever les deux rejetons. Et comme pour inscrire dans le marbre ce nouveau départ, cet agent immobilier tient à rayer tout héritage paternel : les deux garçons adoptent son nom de jeune fille, DeMarco.

Une photo d’enfance fièrement donnée par la maman de Mac, Agnes

Dès l’entame de notre échange, la première fan de Mac nous peint le portrait de son enfance : « Vous savez, Mac, c’est l’aîné qui grandit sans son père. Le garçon à qui je confiais beaucoup de responsabilités mais qui jouissait en contrepartie d’une certaine liberté ». Avec un père absent et une mère qui trime pour subvenir aux besoins du foyer, le tableau dressé ressemble à ce cliché terrible qui a tellement servi les scénaristes de séries B des années 90. Dans ce contexte, Mac doit rapidement devenir autonome et faire preuve d’une certaine maturité. Pas de quoi l’empêcher de s’épanouir, cela dit : « Dès sa naissance, j’ai su qu’il serait quelqu’un de créatif, soutient maman DeMarco, il dégageait une telle énergie que j’étais sûre que ce serait quelqu’un de… spécial, il était différent ». Mac le touche-à-tout passe certains après-midi à se divertir seul, à programmer des logiciels sur l’ordinateur, ignorant qu’il est alors en apprentissage de ce qui fera plus tard sa marque de fabrique, le do it yourself.

Mac (à droite) et son petit frère Hank

Il est alors le parfait opposé de son petit frère, Hank. Ce dernier, qui pratique la danse classique, est discret, besogneux et sage quand Mac développe une personnalité plus explosive. Ces deux comportements entrent souvent en conflit. « Oh, ils se battaient beaucoup, enfants! », se souvient Agnes. « Comme deux garçons ! Mais Mac a toujours veillé, et veille toujours, sur son petit frère ». En bon pote, Mac est constamment entouré (quand il se décide à lâcher son ordinateur) alors que le frérot préfère compter deux ou trois amis très proches. Ce qui fait déjà la singularité du jeune Mac, c’est son indéniable talent pour faire copain-copain avec la terre entière. Comprendre : il aime faire le con. « Très tôt, j’ai aimé faire marrer les gens, en cela, je pense être resté le même » nous indique-t-il d’une voix tellement grave qu’elle flirte avec les limites de l’intelligible. Paradoxalement, le garçon n’est pas turbulent, et ne se fait pas remarquer outre mesure sur les bancs de l’école. « J’ai passé une scolarité plutôt normale » informe-t-il, corroborant alors la version maternelle d’une enfance raisonnable et mature. Même si, selon Agnes, comme les autres gamins du quartier, « il a bien dû essayer de mettre le feu à un garage ou quelque chose du genre ». Nous voilà rassurés.  

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