Quoi de plus « normal » dans le rock que de crever d’une overdose, seul dans sa piaule, à presque 30 ans ? Jay Reatard n’ayant pas échappé à son destin d’icône punk rock, on se dit aujourd’hui que la carrière de la comète stakhanoviste force le respect. Avant son « ugly death » le 13 janvier 2010, le gusse avait sorti près d’une vingtaine d’albums, sans compter une flopée d’EP, de compilations et autres faces B.
Il y a près de deux ans et demi, trois Lyonnais ont décidé de rendre hommage à leur idole de toujours. Pour faire simple, à la Jay Reatard, Marion, Gary et François se sont retroussés les manches et ont commencé à contacter des groupes histoire de rendre hommage au catalogue du bonhomme, pour une compilation baptisée . Le tout est publié par le label (du nom du tout premier album de Jay), créé pour l’occasion. Au dos de la pochette du vinyle, sorti mi-février, quelques lignes annoncent la couleur : « Ce disque est un hommage au regretté Jay Reatard. Il contient des titres interprétés par 14 groupes de la scène indépendante française. »
Jay Reatard, hashtag VDM.
Tout commence assez mal pour Jimmy Lee Lindsey Jr (son vrai nom). Son premier cadeau d’anniversaire, un poney, se retourne contre lui et manque de le tuer. Première ruade de cette chienne de vie qui lui vaut plusieurs semaines d’hôpital, alors que le gamin fête tout juste ses 5 ans. Quelques années plus tard, les parents de Jay décident de quitter la campagne environnante pour s’installer à Memphis. Ils passent leur première nuit sur place dans un hôtel miteux du centre ville. Le petit Jay trouve alors le moyen de se planter avec la seringue qu’il vient de ramasser sous le lavabo de la salle de bain. Nouvelle session à l’hôpital, et batterie de tests pour le dépistage du VIH. Jay a alors 9 ans.
Rien d’étonnant donc que tout cela se termine vingt ans plus tard, à l’aube d’une reconnaissance grand format. Un classique, finalement, dans la grande histoire du rock. Jay Reatard compte désormais parmi ceux qui sont partis trop tôt. Épilogue poissard, tout aussi logique qu’injuste, pour un mec dont les camarades de classe auront vite fait de surnommer « reatard », (« l’attardé », en VF, d’où lui vient son nom de scène). Parce que connu pour être un enfant solitaire, sauvage et un tantinet bourrin.
Jay Reatard meurt dans son sommeil, la nuit du 12 au 13 janvier 2010. On croit d’abord à une histoire absurde de virus H1N1, avant que les médecins ayant réalisé l’autopsie ne s’accordent sur une overdose d’un mélange d’alcool et de cocaïne.
“Plus choqué par la mort de Reatard que par celle de Michael Jackson.”
La machine Internet met peut de temps à ramener la nouvelle jusqu’en France. Et la disparition de Jay Reatard, c’est Sam, leader des Von Pariahs (qui font partie de la tracklist), qui en parle le mieux. « Son décès m’a vraiment retourné la gueule. J’ai été plus choqué par la mort de Reatard que par celle de Michael Jackson ». François, de chez Teenage Hate Records, tient à peu près le même langage : chez lui, la mort de Jimmy Lee a été vécue comme un véritable traumatisme. « C’est un mec qu’on adorait, qu’on a vu en concert. Je me souviens qu’à une période on n’écoutait que ça, Marion, Gary et moi. Sa mort nous a marqué. »