La chanson qui n’aura pas fait le voyage jusque dans les champs de coton est peut être la plus belle. Il s’agit de la ballade minimaliste de Frank Ocean, « ». Commissionnée par Quentin Tarantino, qui expliquera ensuite ne pas avoir voulu « la balancer rapidement juste pour qu’elle y soit, ce n’est pas pour ça qu’il l’a écrite et ce n’est pas mon intention de dévaloriser son taf ». Ok QT mais Frank l’a publiée de son côté, accompagnant son putsch d’un petit mot : « Django est malade en son absence ».
Le problème de la bande-originale de Django Unchained, c’est qu’elle aura du mal à vivre sans lui. Alors que les précédents longs métrages du nerd avaient accouché d’albums cohérents. Soyons sérieux deux minutes : qui n’a jamais dansé sur du Chuck Berry comme Mia Wallace et Vince Vega (Pulp Fiction) ou coupé des oreilles sur « Stuck in the Middle With You » (Reservoir Dogs) ? La B.O de ce nouveau Tarantino, elle, se construit autour des maîtres compositeurs de Série B italienne.
L’occasion de découvrir des sympathiques protagonistes comme Luis Bacalov, compositeur argentin que Tarantino a déjà repris dans Kill Bill ou Rocky Roberts qui a fondé un groupe sur le porte-avion USS Independence après avoir été boxeur. Leur association sur Django ouvre le disque avant de voir débarquer des figures connues du western macaroni & cheese. Annibale et I Cantori Moderni, Edda Dell’Orso sur Lo Chiamavano King, copine d’Ennio Morricone – invitée récemment sur un album de Danger Mouse – ou Riziero Ortolani, surnommé le « Riz » (prononcez « rize ») et qui s’est beaucoup donné durant sa carrière pour rythmer des poursuites d’apaches en poneys (voire même des dégustations de touristes dans le cultissime Cannibal Holocaust).
Parmi la foule, Morricone lui même, est au sommet avec « The Braying Mule » qui comporte assez d’instruments – flûtes, xylophones, sitars – pour donner l’effet d’un petit pueblo désert du Nouveau Mexique. Le thème de « Sœur Sara » se révèle aussi mélancolique qu’un tumbleweed, ces buissons qui roulent dans le désert, portés par les vents de l’Ouest sauvage et « Ancora Qui », la track qu’il a composé pour Elisa Toffoli (qui n’a aucun lien de parenté avec le rédacteur en chef de DumDum), sorte de Mareva Galanter de Trieste.
Mais on le savait, Tarantino a plus d’un colt dans son ceinturon. En mélangeant hommage aux pionniers du genre des aux années 70 et contributions d’artistes plus récents, il déséquilibre plus l’album que le film. Une manière de s’affranchir des conventions pour proposer un melting-pot bourré de références. Quelques ballades, dont la très agréable « Freedom » d’Anthony Hamilton et Elayna Boynton, qui pourrait faire une face B de Gnarls Barkley. Côté R&B/Soul, John Legend vient toucher son chèque sans convaincre. Côté folk, « I’ve Got a Name » de Jim Croce sacre la quête identitaire de Django.
Le climax du film et de la bande-originale arrive au moment où Django se rend dans une plantation du Mississippi pour tenter de récupérer sa femme Broomhilda, achetée par Monsieur Calvin Candie – Leonardo DiCaprio, génie aux dents sales. Les premières notes de « 100 Black Coffins » fusent et Rick Ross se met à rapper. Hymne des orpailleurs produit par Jamie Foxx, gimmick hommage au Train qui sifflera trois fois, Rick Ross, c’est le croque mort de Lucky Luke et Wagner en même temps. Bienvenue à Candieland.