En guise de pochette, cette compile du redressement productif de la pop française méritait au moins une photo d’Arnaud Montebourg, boudiné dans une marinière Armor Lux. Cela aurait assurément été du meilleur goût mais quelques conspirationnistes se seraient empressés de dénoncer un énième conflit d’intérêt : Éducation française Volume 1 étant l’œuvre de Philippe Gandilhon (directeur artistique chez Columbia, qui édite la compilation) et de Jean-Daniel Beauvallet des Inrocks, magazine chapeauté par Audrey Pulvar, conjointe du ministre turned Jean-Paul Gaultier wannabe. Sortons le scanner et passons au crible les 20 groupes réunis sur le projet (et ceux qui n’y figurent pas).
« » d’Aline ? Une scie pour les guibolles et les cœurs délicats qui battent et se brisent pour des cagoles qui parlent avé l’accent. Un tube, ni plus ni moins, entre « Voilà les anges » de Gamine et les plus belles mélodies des Smiths. Stupeur et incompréhension. Je vois le tracklisting d’Éducation française Volume 1 et puis je flanche : la clique de Romain Guerret n’y figure pas. On se rassure en se fiant au « volume 1 » indiqué dans l’intitulé de la compilation. Une seconde mouture est prévue pour 2013 et, vu qu’Aline sort son premier album Regarde le ciel le 7 janvier prochain, ce n’est sûrement que partie remise.
Nouvelle frustration : aucune trace de Yan Wagner. Pourtant, le parisien accouchait d’un premier noble bébé pop début octobre, entre techno et post-punk synthétique. Puisqu’il est ici question d’éducation, son morceau « Elementary School », avec ses synthétiseurs outrageusement japonisants, paraissait très à propos. Tant pis, la compile ne prétend pas à l’exhaustivité. Continuons à faire l’appel. On cherche La Fayette. Aucune trace de son « Eros automatique ». AV ? Boudé. Mustang ? Absent. C’est dommage car en faisant une place au trio clermontois, la carte de l’hexagone qui accompagne la compilation aurait au moins pu compter un bon groupe de pop à l’Est. En effet, la carte penche lourdement côté Atlantique avec des groupes aux yeux rivés vers New York ou sur le Nord, avec l’île de « Jersey » ou l’Angleterre en points de mire.
Parlons des présents car il y a tout de même des motifs de satisfaction. L’inévitable cold wave de Lescop est évidemment de la partie, la pop 80s de Bengale et la douillette surf pop de Granville également, tandis que La Femme est bien « Sur la planche », dans un son entre yéyé et new wave. À côté de ces fleurons racés, se posent des noms ronflants et cosmétiques, histoire de ratisser large, de Télérama avec les ballades à papa aux aficionados du Grand Journal. Si Lou Doillon, Woodkid, The Shoes ou encore The Bewitched Hands font office de têtes de gondole grand public, c’est pour, un peu, mettre en lumière les artistes moins connus qui partagent l’affiche et, surtout, booster les ventes.
Il faut prendre Éducation française Volume 1 comme une photographie d’un instant T, d’une année 2012 riche en découvertes, en énergie créative. Et il faut bien dire qu’on n’avait pas vu venir le coup. Cette sélection, hormis les limites pointées plus haut, capte bien l’esprit tous azimuts de cette nouvelle scène française qui, au vu des références éparses et de son éclatement géographique, se conjugue au pluriel. Quel autre enseignement en tirer ? Sur les vingt artistes français réunis ici, seulement six chantent dans la langue de Mathieu Valbuena. Si on ajoute le carton outre-Atlantique de Woodkid (tant avec ses clips que sa musique) ou la signature de Concrete Knives sur le label londonien Bella Union, il n’y a plus de place pour le doute : la pop évolue bien dans un village planétaire, porter une marinière ne vous fera pas pour autant sonner français.