Chroniques

Ty Segall Twins

Comme on monte un édifice de Lego, Ty a construit son nouvel album, Twins, en alignant les morceaux les plus balèzes d’entrée de jeu. Histoire de poser des bases solides avant de cimenter le tout par couches successives de rock fuzz… et d’à peu près tout ce qui est, un moment ou l’autre, passé par sa tête d’allumé. Le résultat, c’est un bout de Californie qui laisse groggy. Ty Segall, c’est la combinaison au shaker du glam de Marc Bolan, des caprices dadaïstes d’Iggy Pop et de la weed-attitude d’un Nathan Williams de Wavves. Cramé par le soleil, notre boucle d’or garage-punk dote ses mélodies psychédéliques d’un moteur rock débridé et décomplexé.

Si Ty avait continué de faire le malin sur les plages de l’Orange County, il aurait très bien pu finir comme Jack Johnson, vague cousin dont il partage l’affection pour le surf professionnel et la gratte. Heureusement, Ty ne s’est pas transformé en marshmallow à l’huile de monoï et marche plutôt dans les chaussons crados de mecs genre Jay Reatard ou Ariel Pink.

Pour se démarquer des clichés ambulants locaux, Ty chante, joue de la guitare et de la batterie. Avant de se lancer dans le bain en solo, il a pigé pour différents groupes de la scène underground de San Francisco : The Traditional Fools, Epsilons, Party Fowl, Sic Alps ou The Perverts. Juste le temps d’y peaufiner son néo-garage rock, d’apparaître sur des compiles et surtout de signer un EP de génie intitulé –blague avec un dinosaure.

C’est lui même qui le dit: Ty Segall, c’est : « un truc totalement glam à la Stooges qui rencontreraient Hawkwind et Black Sabbath. Je pense que c’est bien rigolo. Je veux que les gens soient surpris, que le disque soit lourd, du rock bien craignos. Regarde, si tu mets Satan dans l’espace, tu auras une idée du son »

Et pour le Symbole 666, c’est « Thank God For Sinners » (« Merci pour les pêcheurs ») qui ouvre le disque. Plusieurs éléments se démarquent alors. D’un côté, les saillies punks successives qui évoquent entre autres le premier roulage de pelles consenti timidement derrière le CDI : « You’re the Doctor », « Love Fuzz », « Would You Be My Love ». Ambiance « coucou j’ai 17 ans… tu veux bien être ma copine ? Allez sois cool ».

Et de l’autre, des morceaux qui paraissent bien plus travaillés. De « Inside Your Heart », strident et moqueur à « The Hill » qui commence comme une gentille chorale pastorale sortie de la bande originale de O’Brother, l’épopée héroï-comique des frères Coen, avant que Ty ne se réveille à coup de riffs et énumère les raisons qui le poussent à faire ce métier plutôt qu’un autre. « Ghost » et « Handglams », dyptique très « âge tendre et gueule de bois » laisse finalement leur place à deux ballades pour clore bien plus calmement l’album.

Pour les derniers méfiants qui ne seraient pas convaincus par notre gus : écoutez (lien en haut de page) sa reprise de Brian Eno, « Needles in the Camel’s Eye ». Et (re)voyez  sur le plateau de la chaîne World’s Greatest Newspaper où Ty chante « Chicago » et fait se lever les présentateurs complètement berzerk : « Mais putain qu’on appelle un docteur ».

Scroll to Top