Lorsqu’est sorti le premier album de Tristesse Contemporaine l’année dernière, beaucoup ont tenté le rapprochement avec Joy Division, et, de la même manière, avec tous ces groupes qui avalent les sons de la bande à Ian Curtis pour tenter de les recracher tels quels, en y perdant au passage toutes ces petites choses sans lesquelles Joy Division ne serait pas vraiment Joy Division : riffs répétitifs, textures denses, mélodies claustrophobes et chant malsain. Pourquoi revenir sur un premier album que les médias ont déjà amplement analysé et commenté ? D’abord, parce que Tristesse Contemporaine – l’album en question – ne peut décemment pas se résumer à l’influence des mancuniens. C’est un album tranchant, singulier, d’une belle et contagieuse modernité, pas démonstratif pour un sou. Et puis parce que de cette feuille de route, Stay Golden se fait largement l’écho.
Hypnotique, concis, catchy et mélancolique : tout chez Stay Golden transpire la cohérence, la volonté d’amener les mélodies anguleuses et incisives plus loin, comme s’il s’agissait une nouvelle fois pour Tristesse Contemporaine d’honorer l’histoire récente du rock. Pas comme une simple visite au musée durant laquelle on se plairait à célébrer ses archives et ses principaux fait d’armes, mais comme un groupe qui aurait tout compris des origines du genre. Et surtout, ils remettent tout en question : d’où vient-il ? Où peut-il aller ? Que peut-on exprimer de nouveau ? Un groupe capable de rajeunir de plusieurs décennies le groove cold et clinquant propre aux années 70 et 80 est nécessairement digne de respect. Cette double décennie, qui a vu naître, rappelons-le, la house et la dance-music, est d’ailleurs particulièrement influente sur Stay Golden : comme l’EP sorti il y a quelques mois, les remuants « Waiting » et « Can’t Resist » font corps avec l’énergie de la house et avec la froideur d’une production dépouillée.
Même s’il court les mêmes lièvres que Tristesse Contemporaine, Stay Golden est donc un objet autre. Tout l’album baigne en effet dans une atmosphère où luxuriance et minimalisme, densité et exubérance, se succèdent et se superposent sans l’ombre d’une incohérence. Surtout, ce deuxième effort use de stratagèmes qui sont autant de trouvailles musicales : pop métronomique, riffs abrasifs, nappes de synthés, le tout avec une grâce et une précision redoutable.
En produisant eux-mêmes cette nouvelle livraison, Narumi, Maik (celui dissimulé sous le masque d’âne) et Mortieville évitent ainsi les quelques maniérismes de production du précédent (qui était produit par Pilooski de Discodeine) et confirme tous les attentes placées en eux par quelques admirateurs de renom, notamment Pulp qui lui avait confiée la première partie de son unique date française à l’Olympia en novembre dernier.