Après un live, une compile de ses titres avec Trigbag et trois ans après Into The Great Wide Yonder, Lost était annoncé par le dossier de presse comme le nouveau « fuck lâché par l’artiste à toutes les étiquettes que tu aurais pu lui accoler ». Cette déclaration d’intention ajoutée à un titre d’album qu’un pédo-psychiatre pourrait éventuellement qualifier « d’appel à l’aide », son côté musique pour chambre d’ados gothique combiné à la coupe de cheveu toujours plus Nicolas Sirkis du producteur Danois ; tout ceci nous amène à l’inévitable question : Trentemøller, 38 ans, s’apprête-t-il à vivre sa crise de la quarantaine ? Anders portera-t-il un bonnet issu de l’Etrange Noël de Mr Jack lors de ses prochains sets ?
Blague à part et magie d’une production relevant encore de l’orfèvrerie sonore, on retrouve vraiment sur cet album des ambiances dignes d’un Danny Elfman période Tim Burton (Batman, Le Défi pour ne citer qu’un film). Exemple flagrant, le titre « Candy Tong » démarre comme une berceuse vénéneuse pour Noël ténébreux. Rythmé par le battement pop d’une batterie électronique et les contrepoints d’une guitare discrète, le titre part ensuite en pop rock tordu avec un joli refrain (chose rare chez Trentemølle, le producteur nous ayant plus habitué sur album à des ambiances cinématographiques un peu surchargées en retournements et afféteries de style). Un genre de musique à écouter chez soi, bien maitrisé sur Into The Great Wide Yonder, son précédent album, tout en attendant à côté ses maxis et remixes plus destinés aux dancefloors.
Lost est donc composé de chansons au sens propre, avec au chant une multitude de guests pointant probablement aux dépressifs non anonymes. Le danois plaisantait ainsi il y a quelques mois en annonçant qu’il avait invité sur cet album ses « amis les plus tristes ». Vu la composition du défilé, entre membres de Low et de Blonde Redhead, pas étonnant que l’atmosphère soit souvent sombre. Le titre d’ouverture (« The Dream »), à la limite du larmoyant et sur des feed-back de guitares caverneuses digne d’un Sigur Ros, sonne comme un avertissement pour la suite. Heureusement, certains titres se montrent un peu plus enlevés comme « River of Life » et ses sonorités rock indus ouvrant sur un rythme fiévreux le chemin pour les voix rêveuses des new-yorkais de Ghost Society. Trentemøller met aussi un pied dans l’indie rock avec le single « » et son clip bardé de jeunes hipsters à l’ennui palpable, alors que l’un des membres de The Drums s’excite sur le refrain.
Entre pop post-Cure et musique électronique, une nouvelle facette se dévoile donc pour un artiste tétanisé par l’idée de rester bloqué dans la case de l’alchimiste uniquement doué pour équilibrer exigence minimaliste et envergure électro-house. Tout le long de Lost, il casse le moule et démontre un talent indéniable pour revisiter des genres ultra-codifiés comme la musique pour Batcave (« Still Fire ») ou le post-rock épique (« Trails »).
Mais, même si certains passages touchent au sublime, on reste quand même assez mitigé sur la longueur. Lost semble parfois hésiter dans cette zone franche où deux facettes de Trentemøller tendent à s’affaiblir mutuellement. Du côté « grand album pop sombre », le trop plein d’invités et de styles abordés donne une impression d’éparpillement empêche parfois l’immersion. De l’autre, celui « album de producteur », le parti pris systématique du mélange des genres (sonorités orientales sur rythmiques disco sur « Constantinople », électro et jazz sur « Morphine ») est une formule amusante à la première écoute mais coupe un peu l’élan à chaque nouvelle introduction. On aimerait nous aussi pouvoir s’y perdre mais la couleur globale n’est pas suffisamment marquante pour pouvoir y trouver une cohérence vraiment hypnotisante.