Chroniques

Toro y Moi Anything in Return

Dans Arthur et les Minimoys  3 : La Guerre des deux mondes, le troisième et dernier volet de la saga  signée Luc Besson, le petit Arthur doit empêcher le méchant Maltazard de mettre le monde des hommes à feu et à sang. Le hic, c’est qu’il est coincé dans le monde des Minimoys. Et ce bon vieux Chaz Bundick, dans Anything In Return, le troisième album de Toro Y Moi (son nom de scène), est également bloqué entre deux mondes difficiles à faire cohabiter : celui de l’underground, auquel ses expérimentations sonores le rattachent malgré lui, et celui de la pop pure, champ qu’il est bien décidé à investir. « Hum, où veut-il en venir avec cette analogie fumeuse ? », vous demandez-vous à raison. Tout simplement à faire ce jeu de mot honteux : Artoro Y les MiniMoys 3, qui est un biais capilotracté mais pratique pour rappeler une bonne fois pour toute que son sobriquet se prononce « Toro Y Mwa » et non « Toro Y Moye ». 

Soyons sérieux deux minutes : lorsqu’il débarque dans le game en 2009 avec Blessa, son premier EP, Chaz est vite considéré comme le petit prince putatif de la chillwave. Un genre musical hybride dans lequel sont aussi classés, entre autres, Neon Indian ou Washed Out, et duquel notre amigo s’éloigne un peu plus à chaque nouvelle mouture. Car, si l’on reconnaît aisément la patte classieuse de Toro Y Moi sur chacune de ses compositions, on est forcé d’admettre que notre gandin vire sa cuti et innove sans cesse, gagnant toujours plus en raffinement pour tendre vers ce qu’il appelle de ses vœux une pop légère et honnête. Avec Causers Of This en 2010 et Underneath The Pine, Chaz expérimentait une dream-pop vintage et psyché au moyen de bric et de broc, de sons électroniques et de samples.
 
Les deux premières pistes, « Harm In Change » et « Say That », posent les fondations de son troisième bébé sur mesure. Deux tubes puissants qui nous invitent à la transe avec leurs mélodies hypnotiques, rehaussées de synthés chelous et de voix pitchées qui ne frisent étonnamment pas le mauvais goût : c’est là la force de Toro y Moi. Sur « Say That », la basse synthétique ronfle sur le refrain dont la trinité nonchalante « She’s Alright / I’m Alright / You’re Alright » pourrait renvoyer, en exagérant un peu, au « She’s Alright » de Rick James sur « Super Freak », parangon du disco-funk. Tout l’album semble habité par un esprit frappeur sensuel (comme nous ne sommes plus à un jeu de mot navrant près, appelons-le « poptergeist ») qui aurait déjà fait des siennes sur les morceaux de Steely Dan avant de s’inviter chez Toro y Moi pour déplacer des synthés tout en émettant des blips et autres bruits étranges. Anything In Return, avec ses beats lourds de groove, ses refrains pyrogènes et ses instants de R’n’B clinquant (« Cake ») est bien plus dansant que ses prédécesseurs. Mais sa force réside dans le fait qu’il réjouira autant les auditeurs qui préfèrent rester à la maison comme R. Stevie Moore que les clubbers en ribote.
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