Chroniques

Top albums 2013 #9 petit fantôme

Depuis l’an dernier, la France a fièrement rebranché les guitares. Mais elle s’est coupée en deux. D’un côté, ceux qui composent une pop délicate et fleur bleue, les Aline, Granville, Pendentif et autres Bengale. De l’autre, le gang des énervés, qui se brûlent les doigts sur leurs cordes et nous agressent avec délectation les tympans : J.C.Satàn, The Feeling of Love  ou encore Catholic Spray sont de ceux-là. Et au milieu ?

Au milieu, il y a Pierre Loustanau, dit petit fantôme, membre du collectif bordelais Iceberg et des Atlas Mountains de Frànçois. Le 1er Mai de cet an de grâce qu’est 2013, le garçon nous balançait gratos une mixtape via spécialement conçu pour l’occasion, et marquait l’année d’une pierre blanche.

On s’est donc d’abord retrouvé sur ce site spécialement conçu pour Stave, intrigant petit nom du cadeau. Joli, le site, pétaradant de couleurs, montage digne d’obscurs Tumblr, offrant à lire les paroles, souvent intrigantes, des différents morceaux. De quoi s’occuper le temps du téléchargement, donc.

Musicalement, la chose est clairement divisée en deux parties distinctes. Les cinq premiers titres nous emmènent dans un univers onirique, proche en ce sens des compositions de Frànçois, mais à des altitudes toutes autres. La voix y est suraigüe, rapprochant l’organe de Pierre Loustaunau de ceux d’Antony ou James Blake. D’autant que ces deux gugusses s’y connaissent en matière de compositions léchées et éthérées. Sauf que là où la mayonnaise ne prend pas toujours chez ses deux contemporains, petit fantôme séduit illico. Claviers distordus, beat cosy, l’ouverture « Peio » nous fait juste nous sentir bien, à la maison dans nos charentaises. Le garçon ne nous le cache pas : « Ici c’est chez toi ». Cette première partie est tellement douce que l’on suspecte ses clopes d’être aromatisées : chœurs et claviers tout en douceur, ambiance aquatique (l’intro de « Être honnête »), un peu de dubstep et de vocoder, un mélange linguistique détonnant (du français bien sûr, mais aussi du basque et … quoi encore ? Du tahitien ? Italien ? Corse ?) font que l’on est déjà conquis. Une première partie comme un rêve.

L’ami Pierre reviendra sur ces ambiances dans une seconde partie pourtant beaucoup plus rock. On est même surpris quand attaque « Redevenir » et son rock limite garage, justifiant à lui seul le remerciement des voisins J.C. Satàn en fin de site (à défaut de livret). Il y déclame qu’il « (s’)en branle de faire des bonnes chansons ». Bah merde alors. Il va faire quoi quand ça va l’intéresser ?

Les morceaux suivants alternent donc entre rock nerveux et piano-voix sans qu’à aucun moment l’on soit surpris par tel ou tel choix. Tout coule naturellement. Une prouesse, on vous dit. Des claviers à la Jean-Mimi Jarre ? Ça passe. Un riff pour nous prendre à la gorge ? Toujours rien à redire. Un coup de batterie ou de bongo subit ? Nan, nan, c’est bon. Ah ça, on se doutait bien que les fantômes étaient naturellement dotés de pouvoirs (vous traversez les murs vous ?). Aussi « petit » fantôme soit-il, cet « homme sans courage » (tel qu’il se définit sur … « Un garçon sans courage »), les siens sont grands. Au point qu’on lui pardonnera même cette fin en eau de boudin. Comme un réveil subit et subi, un dur retour à la réalité. Oui, la France est double, mais ce garçon a tout pour réconcilier les deux parties. Et on ne peut qu’avoir hâte.

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