Quand le communiqué de presse parle de buzz, on a tendance à fuir dès la première lecture. Il fallait au moins le talent d’un Lamar pour nous faire rester.
L’hospice de la critique musicale, aujourd’hui bien rempli de vieilles brebis démodées (coucou #patrickeudeline) pour qui « c’était mieux avant » ne peux s’empêcher de pointer du doigt un manque d’ambition, un cercle vicieux où rien ne se crée mais tout se transforme. C’est faux. L’excitation en terrain hip hop semble juste s’être déplacée de quelques cases pour aller se nicher bien confortablement au sein d’un nouveau vivier de jeunes pousses : Le1f, Micky Blanco, Azealia Banks, Iggy Azalea, Joey Badass, A$AP Rocky, Kendrick Lamar. Tous différents, tous traçant pépère leur sentier de la gloire.
Celui qui nous intéresse aujourd’hui sort son album au bon moment. Pas trop tôt, pas trop tard. La hype ne s’est pas encore lassée, le grand public ne se l’est pas encore approprié. Sans surprise, on retrouve ici les amuse-bouches (au caviar) qu’étaient « The Recipe », avec Dr. Dre en invité de marque, et « Swimming Pools », monstre malsain, pompeux. Brillant au bout de quelques écoutes. Il n’y a aucune tromperie sur la marchandise : tout Good Kid, M.A.A.D City est du même acabit. Kendrick impose sa marque d’entrée de jeu sur un « Sheran Aka Master » tranchant, fait durer son plaisir sur « Sing About Me » (plus de douze minutes tout de même) et muscle son jeu sur « Compton ». On avait tout juste apprécié Section.80, son premier album. On peine à reconnaître le même artiste ici. Plus présent, plus violent. Ou plutôt : direct. Aucune fioriture, le jeune californien va droit au but, jouant la pièce de sa vie, en l’enrobant, car tout le monde se moque d’entendre le récit de jeunesse d’un bon élève repéré sur le web à qui tout réussit. Bosser avec les plus grands (Drake, Pharrell, Rick Ross…) avant même d’avoir fait ses preuves, ça fait un bon CV, pas nécessairement une bonne chanson. Alors, il raconte des histoires, plutôt que la sienne. Ce que l’ami Teki Latex appelle « le rap Fables de La Fontaine » (dans sa bouche, pas un compliment). Le corbeau faisant ici la nique au renard en chantant 2pac (influence majeure, sur disque comme dans la vie, le jeune Lamar, tout juste âgé de 8 ans, ayant même assisté au tournage du clip de « California Love »). On regrette l’absence de Lady Gaga, pourtant annoncée dans un premier temps au casting. Vraiment : ça n’aurait à coup sûr pas manqué de gueule.
Alors, nouvelle star du hip-hop de la semaine ou pari sur au moins vingt ans ? On se méfie, dans un premier temps. Puis, on réécoute. Encore et encore, et ce n’est que le début. On vote pour une carrière sur le long terme. On se retrouvera en 2022 pour commenter sa prestation lors de la mi-temps du Superbowl et le son pourri de son passage à Bercy. Si en plus, cette vieille vanne de bureau « Lamar en duo avec Frank Ocean produit par Renaud Letang » pouvait se réaliser, notre bonheur serait total.