Chroniques

Top Albums 2012 #11 Beach House

En 2010, il y eut Teen Dream. Déjà, à l’époque, un album définitif et surtout, bien plus accessible que les productions passées du duo de Baltimore, celui qui l’a propulsé au firmament de l’indé officiel : l’aide du producteur qui ne rate jamais sa cible Chris Coady (Yeah Yeah Yeahs, TV On The Radio, Grizzly Bear, Blonde Redhead, etc, etc) et du label Sub Pop n’y étaient pas pour rien semble-t-il. Quelque part entre Cat Power et Mazzy Star (comprendre, dans le registre fleur bleue mais pas chiant pour autant), le duo avait réussi la douce communion de la voix et des mélodies, du corps (qui s’effondre) et de l’esprit (en éveil). Dans la foulée, on s’empressait de parler de voyage onirique, de drame poignant. Beach House était en 2010 la plus belle chose au monde. Deux ans plus tard, on ne touche à rien. Et surtout pas quand on décide de baptiser son album « Bloom » (nom qui ramène à la notion d”éclosion, d’épanouissement), dans une entreprise qui semble simultanément valider les choix de carrière du groupe (abandon du terrain lo-fi et signature chez une major de l’indé) et décrire fidèlement le son de l’album.

Le moule a changé, les ingrédients ont changé. La pop, cette pop là en particulier, c’est simplement la seule chose qu’ils semblent capables de faire : leur éclosion ou leur épanouissement, s’il a bénéficié d’un léger coup de pouce de l’extérieur, semble d’abord être le fruit d’un processus naturel. À l’heure du tout à l’ego, de la déconstruction permanente et de la branlette facile, Beach House reste un cocon réconfortant, et ce dès les premières notes de « Myth ». Les chansons prennent leur temps, la réverb’ sublimant le tout. On se sent bien dans cette maison. On a le sentiment de la connaître, et pourtant, on se laisse surprendre par cette production hi-fi et néanmoins pudique. Quand le groupe se rêve plus grand (« The Hours », assez épique dans son genre), ou cesse de s’embarrasser du poids des mots pour nous éblouir le temps d’un refrain (« Lazuli »). En refusant de sortir de sa zone de confort, la place qui nous est réservée n’en est que plus grande : Beach House, avec Bloom, évolue dans sa propre sphère, créé son propre continent et pourtant ses frontières n’ont jamais été aussi ouvertes. Loin des mystérieux apparats d’un disque comme Devotion, sorti en 2008, Beach House s’autorise ici à délivrer d’une manière bien plus brute ses idées. Le meilleur témoin de ce détour d’ambition est « Other People », morceau à la construction et à la force mélodique (et que dire de ces petits synthés à la saccharose, là) qui évoquent mieux le disco des années 80 que l’indie-pop des années 2000.

L’autre jour, une amie ne cessait de me parler d’un groupe lambda, dont le nom m’est sorti de la tête, et tenait à peu près ce langage pour me les décrire : « c’est de la dream-pop, mais un peu plus que cela, c’est presque de le new dream-pop, tu vois ? ». Non chérie, pas du tout. Si vous voulez, « la pop des rêves », ça ne signifie pas grand chose à mes yeux, mais ça colle à peu près à l’expérience d’un album de Beach House. Ça colle à cette pop qui prend son temps (aucune chanson ne dure moins de quatre minutes), qui ne s’alourdit pas d’un surtexte dispensable. Et mon dieu, ce disque pue l’Amour ! Tu es amoureux, je suis amoureux, nous sommes amoureux. Et si l’amour dure trois ans, enfin c’est ce qui se dit dans certains cercles, aucune inquiétude à avoir : d’ici là, Alex et Victoria seront de retour dans nos cœurs. Avec le même disque. En juste un peu plus beau.

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