Chroniques

Top Albums 2012 #12 Melody’s Echo Chamber

Melody’s Echo Chamber, c’est de la dream-pop, comme on nous l’explique. Passons sur le terme, désignant plus généralement la pop que le grand public n’aura jamais entendu qu’en rêve : peu importe l’étiquette, Melody’s Echo Chamber, c’est de la pop. Une pop qui ne s’inspire pas des rêves, ni d’un ailleurs : cet album vient littéralement d’un peu partout.

D’Aix en Provence, d’abord, où mademoiselle est née. « J’ai fait le conservatoire, de 6 à 18 ans, pour apprendre l’alto. J’ai fait de l’orchestre symphonique, de la musique de chambre, même au collège j’avais des horaires aménagés » (retrouvez notre interview complète ici). De Perth ensuite, en Australie, où le disque fut enregistré durant l’été 2011. Pas un hasard, puisque c’est également la ville d’origine de Tame Impala, et de son leader, Kevin Parker. Un créateur-destructeur, ici aux manettes, et qui rend mille services à sa petite voix et à ses grandes chansons. « Il joue également de la basse et de la batterie sur l’album. On s’est rencontrés en 2010, quand j’avais fait la première partie de son groupe avec mon ancien projet, My Bee’s Garden ». Mais ce disque, il est aussi venu des Etats-Unis, grâce aux labels Fat Possum (The Walkmen, Spiritualized, Wavves) et, plus proche de chez nous, d’Angleterre, via Weird World (division de Domino Records, qui sort Washed Out, Smith Westerns). Le CV a de la gueule, et autant dire que le disque n’en manque pas.

Tout commence avec « I Follow You ». Un riff échappé des sixties, une voix noyée dans la réverb. La pâte de Kevin Parker ? Oui, mais pas que. Résumer cette collection de onze chansons à un terrain de jeu pour le monsieur serait minimiser le talent de Melody. Ce premier album éponyme va bien au-delà. La dame expérimente (les synthés de « You Won’t Be Missing That Part Of Me”, les accents jazzy de « Snowcapped Andes Crash ») et nous emmène loin. Parfois vers le côté obscur (« Bisous Magique », sorte de valse joliment glauque). « J’ai découvert la musique, disons, expérimentale, sur le tard, il n’y avait rien dans le sud, pas de radio, rien. Puis il y a eu Radiohead, et le jeu de Jonny Greenwood, sa guitare et ses ondes Martenot. Puis, dans la foulée, Blonde Redhead, Sonic Youth ». Des influences que l’on devine, en filigrane, aux côtés d’autres, Broadcast notamment. Il y a du Can dans les guitares, du Stereolab dans cette voix, vaporeuse, aérienne. Il y a là la flamboyance du classique de son enfance et la violence romantique de Spiritualized. Comme si elle déterrait une forme de trip-hop inventé dans les années 60.

En onze titres se révèle ici l’un des nouveaux grands talents de notre pays et une personnalité singulière. Cet album est une exploration, et son auteure ne se contente pas de réciter les gammes de ces groupes qu’elle adore. Et qui titre son dernier morceau comme une incitation : « Be Proud Of Your Kids ». Au-delà de la simple référence familiale, une vraie belle déclaration : la pop française ose s’aventurer sur le terrain des anglo-saxons. Melody’s Echo Chamber est pop, psyché, audacieux, le tout dans une ambiance intimiste. Quelque part dans sa chambre d’écho, Melody Prochet raconte son histoire personnelle et écrit les premières grandes lignes d’une autre aventure, celle de Melody’s Echo Chamber. Et signe l’un des plus beaux disques de cette année.

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