Chroniques

Top Albums 2012 #13 Twin Shadow

Que s’est-il passé entre 2010, année où George Lewis Jr., crooner d’origine dominicaine montrait pour la première fois le bout de sa moustache, et 2012, année où il a sorti son deuxième album ? Le premier, intitulé Forget, était une bombe rétro pop garantie 100% eighties, avec des hits collants comme la laque que le bonhomme répandait sur sa banane noire corbeau. Il a remis le couvert en juin dernier avec Confess, la moustache en moins et avec une pose virile affirmée, combinée à un perfecto clouté du plus bel effet.

Aux manettes de son premier album, on trouvait ce bon vieux Chris Taylor de Grizzly Bear. Pour la production de Confess, l’ami Georgie a préféré opérer en solo, et il se montre plus sobre cette fois, sûr de ses références et de la direction à prendre. Car si, au premier abord, on peut penser que Confess marche dans les pas de son prédécesseur, il augmente son univers synthético-romantique d’une dimension Pop (avec un grand « P » comme « charts »). Si Forget se reposait sur une production très série B, ce qui donnait un côté Instagram et périssable aux morceaux, le tout soutenu par moult synthés, Confess semble plus concentré, plus noir aussi. Lewis joue toujours les crooners libidineux, voire un peu plus, donc ce n’est pas ça qui change. Mais qu’est-ce qui fait que ces deux albums sont si différents ? Réponse, Lewis a pris la confiance, comme on dit : il apparaît en tant que tel sur la pochette, quand il nous appartenait de deviner son visage sur .

Cet album ne recherche pas non plus sa crédibilité indé, et il est d’ailleurs plus juste de comparer Lewis à Prince qu’à Morrissey, comme ce fut le cas en 2010. Et surtout, surtout, les morceaux prennent une ampleur folle : si Forget ne contenait que deux perles côté songwriting (« Slow » et « Castles in the Snow »), Confess est d’un niveau égal tout du long. Les codes visuels rétro d’une Amérique disparue (les vieilles bagnoles, les cinémas en plein air, ce genre de trucs) sont toujours présents mais ils sont triturés et réadaptés par Lewis (même s’il a un peu levé le pied de ce côté là), comme sur « When the Movie’s Over » : le « film » symbolise la relation et celle-ci prend fatalement fin. Simple et efficace. Puis écoutez « Beg For the Night », chanson qui ne demande qu’à devenir un hit : c’est eighties jusqu’au bout des ongles, le genre qui aurait pu faire passer Patrick Swayze, dans Dirty Dancing, pour un prédateur sexuel attiré par les jeunes demoiselles (et non un type qui ferait tout pour arracher sa douce à la société de ses aînés). Les guitares jouent aussi les narratrices parfois, avec des accents de Johnny Marr. Prenez enfin le morceau « This Must Be the Place I Waited Years to Leave » des Pet Shop Boys, enlevez la gratte de l’ex-Smiths et mettez-la sur, par exemple, « Golden Light » de Twin Shadow : on ne sait plus bien qui actionne ces arpèges. On décèle une attirance assumée pour les dancefloors, avec « Patient » ou « You Call Me On », qui tirent vers un RnB contemporain que les synthés new-wave pur jus rendent d’autant plus dégoulinants et captivants.

Ce bad boy faussement sentimental nous parle d’amour, encore, toujours, mais ce serait une erreur d’y voir quoi que ce soit de romantique. L’amour est utilisé à des fins très précises : car les relations ont toujours un début, mais surtout un très grand nombre de fins possibles, et les chansons de Twin Shadow racontent invariablement des histoires de cœur qui tournent en eau de boudin. Les sons sont froids, tous, sans exception : Lewis demeure le seul facteur humain dans Confess, et encore, dans sa voix, seul le stupre qu’il postillonne par moments évoque un quelconque début de sentiment. Il ne trompe personne, avec ses histoires d’amour et son regard mouillé sur les photos de presse, car ce qu’il veut le copain George, c’est rouler des mécaniques et devenir le Bruce Springsteen des gens qui ont le cœur brisé.

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