« Malheureusement, quand le marketing et les cabrioles publicitaires se font aux dépens de la musique, nous devons nous rappeler les valeurs qui nous tiennent à cœur », voici le langage tenu dans un communiqué, par un faux derche d’Epic Records pour marquer la fin de la relation contractuelle entre le label succursale de Sony et Death Grips. Tout ça parce que le groupe a balancé No Love Deep Web sur le Web, le premier octobre dernier, et ce justement sans accord préalable de ses « supérieurs ». Les oufs.
Composé de Stefan Burnett aka MC Ride, Andy Morin aka Flatlander et Zach Hill (les deux derniers sont à la production), le trio est parvenu à fidéliser une faction de fans séduits grâce à une batterie de vidéos virales, « do it yourself » et souvent torturées (on vous conseille à ce titre l’excellente ) ainsi que des concerts qui se finissent souvent en émeutes (malgré l’absence de membres des Femen).
Après une tape, ExMilitary, et un premier album baptisé The Money Store, les critiques décrivent une expérience unique. Écouter Death Grips, c’est allumer trois pistes simultanés avec un peu de metal, un peu de hip-hop et un peu d’électro. Des airs de Shabazz Palaces ou d’Anti-Pop Consortium en vachement énervé, voire en bien « zéhef », comme le dirait ce bon vieux . Treize tracks excitées et paranoïaques dont on a découvert la teneur en même temps que le label qui voulait patienter jusqu’à 2013 pour sortir la galette.
45 minutes tout rond, pour une mi-temps de râles d’outre-tombe, de paroles suicidaires et de geysers d’une bile bien corrosive. Le coup de Death Grips, c’est les kamikazes à Midway. « I’ve got something to say just for the fuck of it » entend-on sur « Lock Your Doors ». Sur « Hunger Games », qui n’est pas vraiment un hommage à Jennifer Lawrence, le beat est difforme et malsain, tout comme l’ambiance, quand tout le long de « World of Dogs », ça s’emballe sur un « It’s all suicide ». Et l’album ferme les yeux sur la chanson la plus apaisée, « Artificial Death in the West », avec ses nappes de piano et ambiance de cow-boy spaghetto qui va bien.
« Généralement, on se méfie de tout le monde quand ils viennent de l’extérieur et veulent entrer. Mais on a vu que les mecs étaient plutôt compréhensifs. Ils avaient l’air de croire sincèrement qu’on était différents » racontait MC Ride au moment de signer chez Epic. De son côté, le label se félicitait d’avoir signé les auteurs d’une « musique qui ne se digère pas facilement ». Et pourtant, les mecs étaient prévenus. En plus d’êtres de véritables geeks qui traînent sur les boards de 4chan, Death Grips, c’est aussi un partenariat avec BitTorrent pour la sortie d’un clip, un usage des réseaux sociaux plutôt vindicatif (avec des du genre : « I confess that I have allowed myself to fall under the power and authority of Lucifer. I confess it as sin »). Et surtout, NSFW. À peu près aussi confortablement installé dans l’industrie musicale que Jim Carrey dans un rhinocéros en plastique dans la meilleure scène d’Ace Ventura en Afrique, le groupe n’aura pas tenu. Les Mélenchon de l’hardcore.