Dans la lignée évidente des albums précédents ou de certains morceaux de Godspeed You! Black Emperor, entité dont font également partie Efrim Menuck, Sophie Trudeau et Thierry Amar, Fuck Off Get Free We Pour Light on Everything est l’occasion pour Thee Silver Mt. Zion Memoral Orchestra de renouer avec les textes politiquement engagés, les symphonies noisy et les cordes désabusées. S’il ne risque donc pas de déstabiliser les fans de la première heure, ce septième long format reste néanmoins plutôt judicieux, et témoigne encore des qualités de mélodiste du groupe (aussi connu sous le nom d’A Silver Mount Zion, Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Ta-La-La Band ou encore TSMZO pour les plus fainéants).
Sans surprise, Fuck Off Get Free We Pour Light on Everything commence assez nerveusement, affichant d’emblée ses guitares électriques, d’une puissance brute, frénétique et primitive. Ou comment, en un peu plus de dix minutes, faire comprendre à l’auditeur qu’il n’aura pas ici affaire à n’importe qui. D’ailleurs, si les intentions de TSMZO (oui, nous sommes des fainéants) restent à peu de choses près les mêmes depuis 1999, on comprend assez vite que le style, lui, s’est affiné, la puissance mélodique, l’esthétique résolument explosive ou le chant larmoyant semblent ainsi couler de source dans une écriture intense et fluide.
Placé en deuxième position sur la tracklisting, « Austerity Blues » pousse encore plus loin (on parle quand même d’une chanson de près de quinze minutes) ce goût pour la déconstruction sonore, pour les riffs épiques en tension permanente – parfaitement orchestrée par un violoncelle omniprésent et dissonant. Au point de nous imposer une effrayante question : depuis quand un album de rock n’avait-il pas donné un tel sentiment de liberté frondeuse, d’absolue maitrise au service d’une expérience sonore aux confins du post-rock, d’un folk déstructuré et de la scansion du punk ? On ne vous fera pas le plaisir d’y répondre, mais le simple fait de s’interroger nous donne une première piste.
L’autre moitié de l’album n’a rien à envier à ce démarrage en fanfare – auquel il convient également d’ajouter « Take Away These Early Grave Blues ». On tutoie alors ce qui pourrait bien être la face la plus réussie de Fuck Off Get Free We Pour Light on Everything. Car, là où les trois premiers titres oscillaient consciemment dans un état de latence, entre révolte et mélancolie, entre désespoir et rage, les trois suivants se révèlent plus lumineux. À commencer par « Little Ones Run » qui, sans inciter aux frotti-frotta sous la boule à facettes, impose un rythme différent (normal, le titre ne dépasse pas les trois minutes) et un climat plus léger. Tout est relatif : on reste quand chez Constellation, maison-mère de Godspeed, Colin Stetson ou Land Of Kush.
Suivent alors « What We Loved Was Not Enough » et l’ultime « Rains Thru The Roof At The Grande Balroom (For Capital Steez) », hommage au rappeur Capital Steez, mort à l’âge de 19 ans après s’être suicidé du haut du toit des quartiers généraux de Cinematic Music Group à Manhattan en décembre 2012. Sur ce dernier, les Montréalais débutent avec ces mots : « La musique, ce n’est pas seulement quelque chose qu’on fait sur scène, c’est quelque chose à laquelle tu donnes ta vie, c’est ce que tu es et ce que tu fais. » Une façon comme une autre d’affirmer que leur musique ne se brocante pas.