Chroniques

Thee Oh Sees Floating Coffin

À l’instar d’énergumènes comme Ty Segall et White Fence, locomotives de la scène assez excitante qui agite San Francisco depuis quelques années déjà, Thee Oh Sees ont une forte propension à nous gratifier d’une à trois sorties par an. Mais ils possèdent tout de même une particularité non négligeable : ils parviennent à se renouveler de manière assez prodigieuse au fil de leurs albums. Si Castlemania, sorti en 2011, donnait plutôt dans le garage lo-fi un peu plus pépère et génialement bancale, le Carrion Crawler/The Dream qui a suivi était une déflagration garage plus brutale à la Jay Reatard. Nouveau changement d’ambiance sur Putrifiers II, plus calme, plus planant. Aujourd’hui, Floatting Coffin ne déroge pas à la règle : on a une fois de plus affaire à quelque chose de sensiblement différent. À noter également que la bande de Frisco s’est récemment trouvé une passion pour les pochettes hideuses, puisque si celle de atteignait déjà des sommets de mauvais goût, cet espèce de bouillie visuelle yeux-fraises-bouche qui constitue celle de Floatting Coffin fait sérieusement mal aux yeux.

Sur ce dernier album, John Dwyer et sa troupe suivent en fait la logique dans laquelle ils se sont engagés sur leurs albums précédents : ils délaissent petit à petit le côté garage lo-fi primaire pour s’orienter vers des sommets de psychédélismes plus intenses et un côté plus heavy. Un virage que l’excellent morceau «  » présageait déjà il y a deux ans.

Plus que jamais, la voix mais surtout le jeu de guitare de John Dwyer (qui a par ailleurs la fâcheuse habitude de tenir son instrument d’une manière plus homologuée depuis un moment) vous explose littéralement au faciès. Les riffs brutaux alternent avec des solos surréalistes et des passages plus sombres, distordus. On se dit que « Night Crawler » ou « Toe Cutter – Thumb Buster » ne dépareilleraient pas sur un album des Black Angels. La comparaison n’est d’ailleurs pas innocente : ici, nos petits californiens se laissent aller à leurs penchants les plus psychédéliques et aériens, ce qui semble peu judicieux puisqu’ils peinent à exceller dans cet exercice.

Ainsi, si des titres dévastateurs comme « I Come From The Mountain », « Maze Francier » ou « Tunnel Time », où Thee Oh Sees reviennent à leurs fondamentaux, déclencheront probablement les pogos de votre vie en live, « No Spell » et « Strawberry 1+2 » sont moins captivants. Même si les quelques incursions psyché de Floating Coffin sont honorables, on regrette parfois le côté lo-fi du garage adolescent de titres tels que  « I Need Seed » (sur Castlemania).

La chose se conclut néanmoins sur un titre magistral, « Minotaur », jolie chanson où les guitares légères et la voix nasillarde de John Dwyer s’entremêlent avec un violon un tantinet disordu (ce à quoi Thee Oh Sees ne nous avaient pas franchement habitués).

Plus sombre, plus heavy et bien plus rentre-dedans par moments sur ce nouvel album, Thee Oh Sees n’abandonnent pas pour autant leurs fondations garage. Mais en définitive, on ne retiendra seulement qu’une poignée de titres (en tête les excellents « I Come From The Mountain » qui ouvre l’album et « Minotaur » qui le clôture, dans des registres pourtant opposés). Quoiqu’il en soit, Thee Oh Sees ont le mérite de ne pas s’installer dans leurs habitudes mais cherchent constamment à se renouveler, une fois de plus.

À l’image de l’autre l’hyperactif de la baie, Ty Segall, Thee Oh Sees n’ont pas encore réussi à signer l’album qui deviendra leur disque culte. Reste plus qu’à voir quelle direction ils prendront pour leur prochain album qui devrait, connaissant les énergumènes, sûrement voir le jour avant la fin de l’année. Sans que cela n’étonne qui que ce soit.

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