On ne s’attardera pas sur le fait que Noel Gallagher, dans sa grande clairvoyance, ait un jour pas si lointain déclaré que Temples était ni plus ni moins que le meilleur groupe actuel en Angleterre : il nous fait le coup presque chaque année. Bénéficier du statut de meilleur groupe de tel pays à tel instant, c’est aussi accepter le fait que cet instant a de sérieuses chances de ne pas durer. Que quelques concerts assurés devant une poignée de journalistes locaux et de stars bienveillantes ne suffira pas à convaincre les foules avinées.
Ici, ailleurs, tout le monde pointera du doigt le fait que Sun Structures n’a pas l’ambition du Lonerism de Tame Impala, ni même la folie du Howlin’ de Jagwar Ma (autre meilleur groupe du monde de la semaine dernière pour Gallagher). Deux groupes avec lesquels le quatuor ne partage pas le passeport (australien) mais plutôt un certain penchant pour la musique psychédélique. Une caution évidente, simple, référencée, avec un côté « le rock psyché pour les nuls ». Au petit jeu des références, on citera donc, en plus de Tame Impala et Jagwar Ma, quelques dinosaures : T Rex, Syd Barrett, The Byrds, et pourquoi pas, certains passages des Rolling Stones et des Beatles. Tout ceci est très classique, ce qui ne constitue pas en soi une critique. De même, il ne s’agit pas de pointer du doigt ces quatre jeunes qui décident un jour de singer leurs aînés, car c’est ainsi que la plupart des groupes voient le jour. Mais alors, où est le problème ?
Tout d’abord, passée la bonne surprise des premiers singles (« Shelter Song », « Keep In The Dark » et « Colours To Life », les trois meilleurs titres de l’album), on n’arrive pas à donner une quelconque importance à ces morceaux. Parce qu’encore une fois, après la claque du deuxième album de Tame Impala, l’expérience hallucinée du premier album de Jagwar Ma, le très romantique essai des pince-sans-rire Foxygen et même la bonne blague du troisième MGMT, ces derniers mois, il fallait en avoir dans le ventre pour oser opérer dans ce registre. Certes, c’est psyché dans la forme : Sun Structures est blindé d’effets d’écho, d’incantations cryptiques, de distorsion. D’un autre côté, les titres des morceaux virent à l’ésotérique : « Mesmerize », « Colours to Life », « The Golden Throne », « Son Structures ». S’ils avaient baptisé le truc « Coucou, ceci est un album de rock psyché », ce serait pareil. C’est donc psyché dans la forme, mais dans le fond, on ne peut se défaire de l’impression que Sun Structures est un disque terriblement conventionnel : la musique psychédélique de 2014, dans l’acceptation avant-gardiste du terme, ne peut être la même que celle des années 60.
Il fallait également quelques putains de chansons, espèce globalement absente ici. Alors certes, James Bagshaw la joue front-man mystique à l’ancienne (bientôt dans une publicité Gap près de chez vous), avec une très jolie voix mise au service d’une poignée de bonnes idées (un riff par ici, un couplet par là). Mais on peine à voir l’intérêt d’un « revival » du rock psyché. Si on défend bec et ongle des groupes comme Tame Impala et Foxygen, c’est que dans le textes, le sous-texte et la production, ces deux bandes n’ont rien de passéiste. Temples, avec Sun Structures, vient au contraire de sortir un album trop précieux, qui manque cruellement de folie, d’irréverrence et d’accidents de parcours.