Chroniques

Tegan and Sara Heartthrob

La conquête du Nouveau Monde et de la Warner doit probablement passer par là. Après plusieurs réflexions – probablement teintées d’homophobie – sur la ressemblance physique frappante entre les deux sis’ et Justin Bieber, force est de constater que les jumelles ont sorti le grand jeu pour séduire les pontes du label. Fini l’association pop et émo reliés par un clavier ou un gratte, place dès le premier titre – « Closer » aussi efficace et agréable que la presse du même nom pendant un trajet Calgary/Québec – à une explosion de paillettes ambiance boîte à rythme et crayola pendant que les deux sœurs tente de vous convaincre au micro qu’elles sont beaucoup plus fortiches que ce que l’on croit (et ce n’est pas gagné). 

Quatre ans après Sainthood, Tegan et Sara débarquent avec dix titres, abandonnant avec surprise l’acoustique pour des gimmicks clairement biatch. Chaud patate. Elles n’ont jamais caché leur volonté de jouer sur un créneau précédemment occupé par Katy Perry, voire Taylor Swift un peu pompette. Le virage était d’autant plus lisible, si l’on s’arrête à leurs récentes collaborations avec la crème de l’électronique de supermarché : Tiësto et David Guetta pour Nothing But The Beat 2.0.
 
Longtemps, elles auront fait souffler un folk mélancolique et plein de naturel (mais profondément ricain). Le contraste avec ces chansons en forme de dragibus extrêmement bien ciselées, produits et nappés d’un glaçage synthétique écœurant, est d’autant plus saisissant. Cette évolution, Tegan l’explique par une volonté « de ne pas revenir en arrière et refaire les albums précédents. En tant qu’artistes, nous avons envie d’emmener notre musique dans de nouvelles directions » . Traduction : on veut la tête des charts.
 
Parmi les producteurs embauchés sur Heartthrob, le golden-boy Greg Kurstin, ancien collaborateur de Lily Allen, Ke$ha ou encore Britney Spears, a été chargé de trouver la bonne formule pour les propulser au Staples Center et obtenir un contrat pour la bande originale de 90210 Beverly Hills. «Je crois que le groupe qui nous a le plus inspirées est Phoenix », a déclaré Sara. « Leur album est indie rock, mais c’est dansant et organique ». Problème : le groupe s’est construit (c’est toujours possible, en 2013) sur une solide base de fans. Une fidélité proportionnelle à l’implication des filles dans leur musique. Et si les déchirantes histoires de cul sont présentes, elles sont enterrées sous une bonne couche de mayonnaise côte Ouest, et se révèlent  si indigestes qu’elles donnent l’impression d’être récitées par Vanessa Hudgens dans un segment de Nylon TV. La production, elle, répond au cahier des charges de la pop 360° qui tâche : elle est télévisuelle, clubbesque, radio-friendly, facile à piger et parsemée d’assez d’éléments visuels pour ne pas perdre l’auditeur en route.
 
En abandonnant l’idée de départ et en passant de la sécurité du 4-4-2 à un 4-3-3 plus offensif, l’équilibre de l’équipe est désormais rompu. En tentant de ressembler à Wham!, The Eurythmics, Cindy Lauper et Madonna à la fois, Tegan & Sara ont peut être vendu de leur âme à Saddam mais se réconcilient sur la moitié des morceaux : une réconciliation qui, cette fois, n’aura de goût que si le succès commercial est au rendez-vous.
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