Il y a tout un tas de bonnes raisons de se reformer. Le fric, tout d’abord. Le cas The Police fait école, dans le genre : des stades dans le monde entier, aucune nouvelle chanson (qui s’en plaindra, surtout qu’on a eu l’ignoble Gotye à la place), et une rivière de diamants dans le salon de Sting pour un été de boulot. Pas mal. Il y aussi la reformation qui ne dit pas vraiment son nom. Les Pixies laissent planer le doute, même si on imagine que la carrière de magicien de David Lovering, bah c’était pas la même éclate. Il y aussi la reformation dont on rêve un peu à demi-mot, comme celles des Smiths ou de G-Squad. Et enfin, la fausse reformation, celle qui n’existe pas, ou si peu, comme c’est le cas avec Suede.
En 2003, après l’échec cuisant d’un piètre disque, A New Morning, Brett Anderson jette l’éponge. Il réalise que ses grandes années sont derrière lui et décide de se réinventer en crooner le temps de quelques jolies chansons. Puis il retrouve son comparse Bernard Butler, pour former un side-project, The Tears (là encore quelques beaux singles, mais rien de plus). Puis, fin 2009, la nouvelle tombe : Suede est de retour. Pour quelques dates, on ne parle pas encore de ce Bloodsports. On imagine déjà les discussions en interne : « Hey les gars, vu que tout le monde s’en tamponne le coquillard de notre groupe, annonçons le split. On laisse passer quelques années, le temps de presser le jus de notre back-catalogue, de retrouver un peu l’inspiration, et quand ça craint, on revient à fond et on joue la carte de la nostalgie ».
Certes, on ne va pas se le cacher, il est plaisant d’entendre les premières notes inédites de ce groupe en dix ans. D’autant plus que Bloodsports est un bon disque. Dès « Barriers », qui ouvre le combat, ce sont les belles années (les premières) qui nous reviennent. C’est pop et c’est punk, tant mélodique qu’incisif. Et toujours, en fil rouge, la voix de Brett Anderson. Putain, ce mec a la classe, et le prouve sur « Snowblind », une perle. Et de loin le meilleur moment de cet album court (dix titres) et plutôt nerveux. Le romantisme a moins sa place ici que le bonheur de jouer vite et fort, comme aux premiers jours. « Always » et « Faultlines » sonnent comme un jeune groupe, tout juste formé, et heureux de triturer ses premiers instruments. Un groupe qui ne serait pas revenu de tout, mais au contraire aux premières heures d’une belle histoire.
Bizarrement, alors que ce sixième album de Suede contient certaines de leurs plus belles chansons, on y trouve certaines qui sont à ranger parmi les pires de leur catalogue. « What You Are Not Telling Me » ne va nulle part et parait inachevée. Le single n’est là que pour faire joli. Et puis, il y a tout l’enrobage, un chouïa boursouflé et une production clairement datée, malgré un petit effort sur les guitares pour sonner « so 2013 ». Heureusement, de belles chansons viennent sauver l’affaire. Reformé ou pas, ils seraient bien inspirés de ne pas refaire le même coup la prochaine fois.