Dans les colonnes du , voici comment Teki Latex présente les choses : « Sound Pellegrino c’est d’abord un grand travail de défrichage, un énorme chantier dont les briques sont les 30 et quelques maxis que nous avons sortis depuis la création du label, avec une vision artistique de plus en plus claire malgré une volonté quasi-systématique et nécessaire de se contredire et de casser les règles que nous établissons pour éviter à tout prix la routine. (…) En jetant un coup d’œil à toutes ces sorties, un fil rouge apparaît de plus en plus nettement: nous sommes en train de construire des ponts. Des ponts entre les scènes mais aussi entre les générations, à travers les artistes que nous choisissons d’associer, que ce soit le temps d’un remix ou d’une collaboration un peu plus poussée ». Tout est là. Sound Pellegrino, dès le départ, est plus qu’un simple label. Une structure, une idée, une envie d’avancer, pas nécessairement plus vite que les autres, mais au gré de ses appétences. Le CV, lui, ne se contente pas d’aligner les noms (Matthias Zimmermann, Maelstrom, Noob, High Powered Boys…), n’y de les associer (Joakim & Bambounou, Surkin & Todd Edwards…), mais envisage bien de faire avancer le bordel. L’identité graphique est faite de couleurs chaudes, accueillantes. Et bien dedans, c’est pareil. SP est un cocon, autant pour ses artistes que pour ses fans.
Au moment de la sortie numérotée 36 (la compilation qui nous intéresse), l’heure n’est pas au bilan. Non, Teki et Orgasmic ne comptent pas s’arrêter là, et ces quatre premières années n’entrent pas en conflit avec les quatre prochaines. Cette compilation collective n’est qu’un prolongement de la nuit, parce que le jour se lève toujours trop tôt. C’est aussi une recette soigneusement élaborée, avec un peu du patron (« Diamond Falls », par Orgasmic), des têtes d’affiche (Surkin et Todd Edwards voient ici leur brillant « I Want You Back » revisité par Canblaster), et des invités de haut rang (Jean Nipon, Modselektor…). Dans le lot, également, au moins une petite claque du nom de 123Mrk. Mélodique et désordonné, son « Can’t Believe » impose une finesse et un charme que l’on peine à décrire.
Les lecteurs attentifs de DumDum le savent : mon truc, c’est bien d’avantage la pop que n’importe quel autre registre. Je suis obsédé par les mélodies, je tends à penser que c’est comme le sexe : une mauvaise mélodie sera toujours plus agréable que l’absence totale de celle-ci. Cette semaine, mes amours se nomment Smith Westerns et Greycat. De la pop pure, sans l’ombre d’un doute. Dès lors, pourquoi parler ici de Sound Pellegrino ? Comment deux univers aussi lointain peuvent-ils cohabiter sous le même clavier ? Parce que, qu’ils en aient conscience ou non, les patrons de Sound Pellegrino font office de passeurs. Et il en faut. L’electro en 2013, ce n’est pas seulement Ed Banger. La crème de la crème ne se situe pas (uniquement) dans les charts. Ainsi, à la pointe, non pas de la hype mais du défrichage, cette compilation offre un aperçu de ce qu’est Sound Pellegrino, ainsi que ce que l’on peut tirer de mieux des machines à l’heure actuelle. Il n’est pas certain qu’ils en soient conscients, mais se dégage un réel esprit pop de ces treize titres. Pop dans son sens premier, « populaire ». Point de snobisme ici, ou juste ce qu’il faut pour s’extraire de la norme. Mais une déclaration : Sound Pellegrino, c’est ça.