Dans un monde un peu plus vrai, The Soft Moon aurait déjà été utilisé pour donner corps à un des 30 tomes de bit-lit que Stephenie Meyer pond méthodiquement à un rythme soutenu et voulu par son éditeur. Le groupe de Luis Vasquez aurait probablement fait des émules parmi les partisans de « Vivons l’apocalypse ensemble le 21 décembre prochain ».
The Soft Moon c’est d’abord le bébé de Vasquez. Après un premier album sobrement appelé The Soft Moon, et un EP, Total Decay, Loulou revient avec Zeros. Il y fait le malin et démarre l’album avec « It Ends », rires à la Thriller en fond, histoire de poser les bases. Autre contre-pied, il termine par le même morceau, à l’envers (et qui s’appelle « ƨbnƎ ƚI »). Une précédente collaboration avec John Foxx d’Ultravox, rencontré à Londres, pour valider le transfert de patrimoine cold wave et Vasquez avoue: « Mes pensées récurrentes, mes peurs, mes phobies et mes cauchemars sont sur l’album. »
Problème avec Luis : son incapacité totale à se renouveler, dans la continuité de son œuvre qu’il veut pluridisciplinaire (un artiste visuel a longtemps accompagné le groupe). Petit dictateur de morgue, Luis a préféré défoncer le concept à fond avant peut-être d’en abandonner la carcasse. Comme les T-Rex, Vasquez n’est pas un chasseur, il se contente des dépouilles plus ou moins tièdes de Suicide et autres pour tisser ses robes électro.
« Remember the Future » est peut être le morceau qui a le plus de forme, avec son rythme de marathonien déglingué tendance John Carpenter. Quant à Vasquez, son rôle de lead singer se limite à des cris étouffés, là, au loin, entrecoupés d’une lourde respiration. Sur « Die Life », on le soupçonne notamment d’utiliser le même vaporisateur que Joy Division (dans le même style crypto-suicidaire, voyez « Zeros »). Impec’ pour créer une atmosphère bien lourde et métallique : « Machines » et « Insides » oscillent entre percussions, pulsions et électro-chocs.
C’est noir, donc, et le tout semble produit dans les années 80. Ambiance pas vraiment déroutante, le moule dans lequel est fait Zeros est bien connu. Le mec a probablement lu tout Lovecraft. Après Neil’s Children et leurs têtes de corbeaux ou les Horrors du croque mort Faris Badwan, voilà avec Zeros une nouvelle collection de rêves fiévreux emplis de paranoïa. Les synthés sont de plus en plus sinistres à mesure que les basses déclinent dans un fade out : un programme à vous coller des envies de vieux films de Jean Rollin, ou des cauchemars avec des fantômes de Bauhaus. Ce qu’il a l’air de nous dire l’ami Luis, du fond de sa chambre d’écho : les mecs, les filles c’est l’apocalypse dans un peu plus d’un mois. Si vous avez des trucs à dire c’est maintenant, après il sera trop tard.
