La belle môme de trente-trois piges a intégré le business de la musique alourdie d’un sérieux handicap : celui de la célébrité. Sa gloriole, comme chacun le sait, Zooey Deschanel la tire d’abord de sa carrière d’actrice, qu’elle mène depuis près de quinze ans, enchainant des films plus ou moins indés (Almost Famous, 500 jours ensemble, …) sinon pas du tout (Yes Man, Le Secret de Terabithia) avec en prime quelques récompenses et nominations de prestige. Une notoriété en ceci gênante qu’à l’instar d’une palanquée de chanteuses-actrices, l’intéressée aurait pu voir sa carrière musicale absorbée par son image de comédienne. Ou pire : tournée en ridicule.
Mais s’il appartient à madame de coucher sur papier les chansons de She & Him, la magie opère aussi et surtout grâce à la baguette, nonpareille, de l’émérite Matt Ward, la moitié moins médiatique du duo. Le joaillier du son, c’est lui. Sans son concours, les fantasmes retro de la copine Zooey feraient grise mine. Le talent du gars de Portland, qui officie également au sein des Monsters Of Folk, c’est précisément d’offrir leur cure de jouvence à des vieilleries auxquelles il impose sa légèreté sans se passer du luxe des détails. M. Ward est une super crème anti-ride, en somme.
Il y avait, dans Volume One (le premier album, paru en 2008) et dans Volume Two (2010), une forme de romantisme désuet, de naïveté tout à fait sixties. On parle des sixties californiennes, celles de Loretta Lynn, de l’Américan Spring et de Caroline King. Et comme on pouvait s’y attendre, le troisième véritable album du tandem (on laissera délibérément de côté l’album de Noël A Very She & Him Christmas de 2011) s’inscrit logiquement dans la continuité des précédents, et ce dès le premier coup d’oeil jeté au titre : Volume 3. Ce troisième volet répète la même formule, avec en prime beaucoup de « wouhou » (« I’ve Got Your Number, Son » , « Baby »), de discrètes et rares touches de claviers (la délicieuse intro de « Somebody Sweet To Talk To ») et des cordes frottées (le single « Never Wanted Your Love »).
Il serait trop simple de n’y prêter qu’une oreille distraite sous prétexte que le duo reprend une recette déjà éprouvée, aussi bien hier qu’aujourd’hui. Surtout que, si l’inventivité et l’audace attendent toujours au vestiaire, cette collection de quatorze morceaux parvient à séduire (et c’est clairement son intention de départ). La voix et les arrangements ont gagné en pureté, en finesse et en légèreté. Les reprises, de Harry Noble, de Blondie et d’Ellie Greenwich sont des réussites et se fondent harmonieusement dans l’ensemble. Presque tous les titres ont le potentiel pour trotter un moment dans certaines caboches transies.
Non, Zooey Deschanel n’est pas la potiche de She & Him. Et ce serait montrer beaucoup de mauvaise foi que de prétendre le contraire. Mais par l’identité artistique qu’elle s’est construite, les deux tableaux sur lesquels joue l’américaine se révèlent indissociables. Cela fait cinq années qu’elle cultive, à travers She & Him, des chansons de pop florales en forme de bouquets vintage, qui collent bien avec ses rôles, ceux de la télé comme ceux du ciné. Bref : l’actrice Zooey nourrit la chanteuse Deschanel, et vice-versa.