Chroniques

Shaka Ponk The White Pixel Ape

Shaka Ponk a rejoint le rang des Chevaliers de l’ordre des Arts et Lettres, institution fondée par André Malraux et qui a pu par le passé agrafer son prestigieux pin’s sur les poitrines d’Amanda Lear, de Christophe Maé ou de Shakira. Pour ces nouveaux élus, anciennement « groupe bouddhiste avec un esprit métal », maintenant « groupe électro-rock dans une veine alternative et festive », on a du mal à trouver une raison valable à cet honneur. Distinguer l’enseignement de l’anglais LV1 dans nos collèges et lycées ? Mouais, on a vu par ici que Shaka Ponk n’étaient pas des lumières dans la langue de Britney Spears. Autre possibilité : les décideurs ont peut-être voulu récompenser un certain appétit indéniable pour l’expérimentation, pour le choix des titres de leurs chansons, écrits dans une sorte de novlangue 2.0 jouant habilement des majuscules dans ces « Lucky G1rl », « Story O’ My LF » ou « WOtz Goin’ON », tout comme des flashbacks du Myspace des débuts 2000. Car en plus de heurter les oreilles, Shaka Ponk fait mal aux yeux.

Cette distinction arrive bien évidemment à temps la sortie de leur sixième album, The White Pixel Ape [Smoking Isolate To Keep In Shape], disque à la pochette confirmant le goût toujours aussi assuré du groupe pour les rayons fringue des relais autoroutiers. Puisqu’on parle d’image, les Shaka Ponk sont toujours bien planqués derrière celle, relax, de groupe au parcours atypique et au mauvais goût assumé, finalement aussi light que populiste. Le genre de groupe dit fédérateur (comprendre : musique répondant à la règle du plus petit dénominateur commun, associé à un sens certains du spectaculaire sur scène) qui bénéficie de cette défense réputée imparable de l’artiste populaire qui joue pour « de vrais gens ».

Sur ce nouvel album, le groupe recycle à toutes les sauces une palette élargie de styles musicaux – tous remixés à la sauce « festive » – et à la pauvreté mélodique masquée tant bien que mal par une production aussi criarde que mastodonte. Sous ce côté guignolesque bien calculé, se cachent des influences plus caricaturées que transcendées. « Monkey on the Wall » débute ainsi comme un Black Keys croisé au « Blue Orchid » des White Stripes, l’épuisant « Black Listed » voit sur sa partie funk-metal le chanteur imiter bêtement Anthony Kiedis des Red Hot Chili Peppers, la combinaison « air de pipeau sur fond de reggae » du titre « Story O’ My LF » est interrompue par un rappeur apparemment scotché dans sa période Cypress Hill. Pour le reste, quand le groupe travaille, non sans succès, à créer une nouvelle forme de hard rock FM boursouflée de vocaux sous auto-tune et saturée de gimmicks abusant de tous les poncifs rock’n’roll imaginables, des phases speed metal débarquent pile poil pour réveiller l’intérêt de l’auditeur. Quant au morceau final, « Heal Me Kill Me », il déroule une ballade sous perfusion de cordes mielleuses… probablement la chanson idéale pour choper dans une boum d’adultes régressifs à t-shirts Indochine.

À l’image du groupe qui semble avoir un peu calmé ses ardeurs côté look, difficile de retrouver sur leur nouvel album cette musique décrite comme « délirante » ou « clownesque » le long de titres au final très formatés malgré des structures en apparence alambiquées. Sur ce point, on aimerait caler n’importe quel disque de Mike Patton dans les oreilles des journalistes vantant l’originalité de vocaux oscillant parfois entre le gargouillement guttural et le dialogue de cartoon. Mais Shaka Ponk, à l’image de son album, se complaît dans un bordel version canada dry, une attitude rock louée au magasin de farces et attrape, un punk de pacotille. L’équivalent musical d’aller récupérer sa décorations de Chevalier de l’ordre des Arts et Lettres avec , en somme.

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