Chroniques

Scott Walker Bish Bosch

Le mec est là depuis 1965 et le groupe The Walker Brothers, qui d’ailleurs n’étaient pas frères (ils ne le sont toujours pas) et ne s’appelait pas Walker. Noel Scott Engel ne s’est finalement jamais défait du pseudonyme. Avec «  », «  », « », le CV pop du mec tutoie la perfection, et, bien que nettement moins connus que Beatles, Kinks et autres, les faux-frères Walker restent parmi les plus grands auteurs pop du monde. Sans aucune forme de débat possible.

En solo, c’est une autre affaire. Il y eut les années dorées, celles de Scott (1967), Scott 2 (1968) et Scott 3 (1969). Trois années magiques, sacrées. Et là, c’est la merde. Les années Il70 ne sont pas tendres pour l’aura du Monsieur. Une pénible reformation des Walker Brothers, des disques inégaux, comme des témoignages d’une inspiration déclinante. Ce ne sont pas les pépites qui manquent, mais année après année, il faut creuser toujours un peu plus. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à chercher. Scott se fait discret, et ne sort qu’un album par décennie depuis 1984 et Climate Of Hunter. Un nouvel album en 2012, seulement six ans après le précédent, c’est un petit miracle (ce que la frange hardcore du fan club ne cesse de répéter).

Alors, un génie, c’est quoi ? Sans doute un mec capable de rejeter la pop pour embrasser l’avant-gardisme tout en réussissant l’exploit d’être convaincant. Ou au moins de faire illusion. Difficile en effet de poser des mots, et une opinion définitive, sur Bish Bosch. Non, ce disque n’est pas beau. Mais il n’est pas laid pour autant. À l’image du premier single, « Epizootics ! », qui étale pendant de longue minutes un groove décadent, sombre, sur lequel Scott vient grogner comme un crooner d’outre-tombe (voilà pour la partie désagréable) avant de finalement toucher la lumière avec l’apparition surprise de cuivres. Sur « SDSS14+3B (Zircon, A Flagpole Sitter) », il éblouit trois minutes, et nous emmerde 18 de plus. Car oui, on a affaire à une chanson de 21 minutes bourrée de références, à Luis Buñuel comme aux particules subatomiques. Et même à un petit air de samba. Alors qu’on était parti, dès les premières mesures de « See You Don’t Bump His Head », vers un rock plus industriel. Scott Walker nous perd, ce qui semble beaucoup l’amuser. Il y en a donc au moins un qui se marre.

« Bish Bosch » dure près de 80 minutes. C’est long, mais le mec semble avoir besoin d’espace. Pour laisser vivre ses idées, pas toujours maîtrisées. Ce disque est un vrai bordel. Ce qui en amènera forcément à parler de folie, de création, de génie, encore une fois. Problème, à trop se regarder composer, on en oublie les bases. De chansons, il n’y a que des queues de cerise ici, et ça, quand on s’appelle Scott Walker, c’est difficilement pardonnable.

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