Chroniques

Satellite Jockey Falling

Satellite Jockey, c’est d’abord un beau bordel. Six musiciens (ce qui est à la fois beaucoup et à la fois peu quand on considère Arcade Fire) et pas moins de quatre (!) labels réunis pour pouvoir sortir leur quatrième album. Quatre labels, ça fait beaucoup de monde à croire en eux. Mais si c’est ce qu’il fallait pour que cette œuvre en tous points splendides nous parvienne, alors on ne peut que se réjouir de la force de conviction d’un groupe qui marque d’ores et déjà 2015 de son empreinte.

Le groupe lyonnais est avant tout le projet d’un homme, Rémi Richarme, la vingtaine bien tassée et les idées bien en place. Antoine d’AB Records, qui a prêté sa voix pour un titre du groupe encore inédit, nous confiait à son sujet qu’il « est un monstre de précision. Il a une idée extrêmement précise de ce qu’il veut, il ne laisse absolument rien au hasard ». Et on n’ose imaginer à l’écoute de ce Falling que le gars Rémi n’ait réussi à imposer parfaitement sa vision des choses.
Falling est de ces disques qui convoquent un million de références, d’influences. Evidemment, on peut alors reprocher au groupe de ne pas faire preuve d’inventivité, de copier des recettes qui ont déjà prouvé leur efficacité. Mais si certains peuvent le faire sans passion et sans vie, Satellite Jockey réussit à inculquer un véritable souffle à chacun des onze morceaux qui composent cet album, réussissant à transcender ce melting-pot musical en un ensemble d’une rare cohérence et, surtout, d’une rare beauté.

L’ouverture « Skylight », ces guitares new-wave, le chant d’un Rémi qui se mue en Jarvis Cocker, son final digne de Tame Impala, offre en sus ce qui est peut-être déjà le plus beau refrain de 2015. « Then I’ll Come Back To You » prend la suite et nous surprend d’entrée. Exit Rémi au micro, bonjour Kcidy, sa voix fluette d’une fragilité à vous coller des frissons en plein Sahara, deux minutes et vingt secondes d’idées toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Tout au long du disque, Rémi Richarme va alterner derrière le micro avec Pauline Kcidy, s’offrant ainsi plus de possibilités de surprendre l’auditeur, mais aussi de varier les couleurs. Un morceau comme celui-ci n’aurait ainsi pas du tout le même impact, la même légèreté, chanté de la voix profonde de Rémi.

On pourrait disserter longuement sur ces morceaux qui nous envoient tantôt chez Passion Pit (« Life Science »), tantôt chez Belle & Sebastian (« It’s fading In ») ou encore Koudlam (« A Poisoned Arrow ») et Angelo Badalamenti (« Falling Down », écho lointain au « Falling » de Twin Peaks). On pourrait encore vous dire que « Turning Into You » restera comme la plus belle ballade de l’année, sans aucun doute. Vanter cette alternance entre morceaux légers et dansants et passages plus sombres, mais vous devez bien vous douter qu’un disque mêlant Passion Pit et Badalamenti est fait de mille ambiances, mille couleurs allant du noir au rose bonbon.

Alors on va simplement s’attarder sur le final proprement épique de ce disque. En onze minutes passant comme quatre, Satellite Jockey offre un condensé de ce qui fait la réussite de ce disque. Arrangements soyeux, alternance on ne peut plus naturelle entre acoustique et électricité, légèreté et gravité, efficacité du chant sous forme de dialogue entre Rémi et Kcidy, ponts subjuguants, profondeur et justesse des cuivres … Oui, « Concealed Feeling » résume parfaitement l’effet que procure tout cet album : pop et travaillé, simple et ambitieux sans jamais être prétentieux ni tourner à la démonstration de force, il représente tout ce que l’on attend d’un disque de pop aujourd’hui. A savoir, nous attraper le cœur et en faire sa chose. Falling nous a attrapé. Les Satellite Jockey ne sont pas près de nous lâcher.

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