Appeler son premier album Péplum, en voilà une riche idée, une façon de donner le ton sans pour autant délivrer un message des plus clairs. Un péplum est nécessairement épique, clinquant et cher. Mais du chef d’œuvre à la série B, de la pépite au gros nanar, il n’y a qu’un pas. Et sombrer dans le pompier racoleur est ô combien facile lorsqu’on ne maîtrise pas toutes les composantes du projet. Autant dire que dans le registre du gros carton, Sarah W. Papsun a davantage à voir avec un Guillermo Del Toro qu’un Michael Bay.
Ses membres ont beau s’en défendre, ce groupe basé à Paris est le plus brillant (et peut-être les seuls, maintenant qu’on y pense) représentant français d’un genre au nom barbare : le math-rock. Le quoi-quoi ? Le math rock donc, un machin popularisé par Foals. Une fois n’est pas coutume, allons voir chez : « Le terme de math rock est appliqué à certaines formes de rock expérimental qui ont émergé vers la fin des années 1980 et dont la principale caractéristique est la complexité des rythmes ainsi que de l’enchaînement et la mise en place des riffs/mélodies, souvent dissonants ». Non, ça ne donne pas envie. Mais oui, ça existe. Les mathématiques, c’est la précision. Et cette précision, elle se retrouve aussi bien dans le riff de « Lucky Like Stars » que dans le découpage chirurgical de « 5” ». Tout ici témoigne d’une mécanique bien huilée. Ce que les concerts du groupe laissaient espérer trouve ici une confirmation à la hauteur des attentes : en live, les titres s’enchaînent sans pause. Exercice de branleur pour les uns, prouesse audacieuse pour les autres, en tout cas, un grand saut dans l’inconnu pour le groupe, d’une durée d’une heure et quinze minutes environ.
Péplum s’amuse des codes et du format habituellement contraignants de la chanson pop pour visiter d’autres horizons. On prendra pour exemple les chœurs enfantins de « Lucky Like Stars », le tube « Night » et la rondeur de ses claviers ou encore le classieux « Fascination », les synthés pesants de « 5” ». Jamais bloqués dans une formule, les Papsun s’amusent, surprennent, sans jamais en faire trop. Les idées sont gérées, le trop plein évacué, et le tout est précis, concis. Ici une incursion de guitare acoustique, là un break inattendu… Magnifié par un chant quelque part entre Kele Okereke de Bloc Party et Damon Albarn au temps de sa splendeur, Péplum se développe sans le moindre temps mort. Seul moment de répit : la balade « Brighton Pier », qui coupe l’album en deux, pour une respiration bienvenue au cœur de ce marathon sonore.
Le fait que les Sarah W. Papsun sortent leur premier album le même jour que les excellents Von Pariahs est une heureuse coïncidence. Il s’agit là d’un signe que la France en a encore sous le coude. Car passée l’excitation des débuts, les premiers albums des têtes d’affiches hexagonales continuent de s’enchaîner et de (pour une bonne partie) nous convaincre. Terminons sur une petite histoire : Sarah W. Papsun est le nom de la correspondante américaine de l’un des membres du groupe, à l’époque du lycée. Enchaînant péniblement les reprises de Nirvana et de Pearl Jam dans un garage que l’on imagine trop petit pour leurs ambitions, la bande naissante tint cette promesse à la jeune anglaise : le jour où ils auront un vrai groupe et un potentiel succès à la clé, ils utiliseront son nom comme étendard. En 2013, la jeune américaine a de quoi être fière.