Chroniques

Reveille Broken Machines

François Virot est un homme prolifique. Ce lyonnais s’était fait remarquer à la fin de la décennie passée, au sein de Clara Clara et à la force de deux albums, sortis en 2008 et 2010. Reveille est son projet le plus rock, lancé en duo avec la chanteuse/batteuse (sa dame, dit-on) Lisa Duroux. Ce deuxième album publié avec Reveille tient la distance du début à la fin, grâce à deux vertus devenues trop rares dans les disques de « jeunes projets » : l’urgence et la cohérence. Les plus au fait noteront qu’il est plus pop et moins foutraque que le premier de la lignée, Time and Death, sorti en 2010.

On parle souvent des 90’s à leur sujet, mais Reveille semble également pencher côté Wire pour la précision clinique apportée à l’exécution des morceaux. Écoutez « We Came Alive » pour vous en convaincre : le songwriting est offensif, jamais parcimonieux et, Dieu merci, ça ne ronronne pas. Chez Reveille, en surface, il y a le cadre strict de la chanson. Les refrains tombent toujours au bon moment, le groupe ne digresse pas. Cette efficacité pop grunge rappelle les Pixies, mais c’est en seconde lecture que Broken Machines se révèle à nos oreilles : il se passe vraiment quelque chose dans ces chansons. Les sucreries mélodiques (un petit riff par-ci, des choeurs par là, un break rythmique de temps en temps) se croisent, se superposent, entrent en conflit, sans pour autant transformer le tout en meringue.

Reveille est un groupe que l’on pourrait qualifier de « vertueux » en ce sens qu’il semble réaffirmer, à chaque chanson, sa confiance dans une approche frontale de la mélodie. « Horizon » nous sert d’illustration parfaite, tant ce morceau rappelle la dynamique tragi-glam et dissonante de Blonde Readhead (à laquelle il nous parait judicieux de recourir ces jours-ci). Mention particulière, dans la même veine, à l’electrisante « Long Distance Runner », urgente déclaration d’intention de la batteuse Lisa Duroux. Ce n’est pas rien : avec ce morceau, ils se paient même le luxe d’écrire ce qui devrait être (dans un monde plus juste) le tube de l’année.

Fini le name-dropping : Broken Machines est l’un de ces (de plus en plus) rares disques qui s’inscrivent dans la durée. Comme la marmotte qui met le chocolat dans son papier alu, Virot et Duroux enfouissent mille trésors dans leurs chansons qui, pourtant, ont l’air toutes bêtes. Il donne en tout cas envie d’en entendre davantage et de suivre le parcours du lyonnais dans ses autres projets.

Le seul (de)mi-bémol à apporter ici intervient lorsqu’on se demande si, au final il y matière suffisamment consistante ici pour exciter l’oreille musicale d’un public autre que les indie-kids des années 90 (vous savez, ce qui retournent régulièrement à la lecture de leurs numéros des Inrocks mensuels). On pourra tenter de se rassurer en se disant que les 90’s sont devenues éminemment cool.

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