Chroniques

Polyester The Saint POP

Que son nom soit sanctifié, que son règne vienne. aime les chemises vintage et s’appelle Christian Saint James Cleveland dans le civil. D’où ce blase légèrement wtf, derrière lequel se cache pourtant un artiste complet et multi-instrumentiste. Pour mieux situer son univers musical, prenez d’abord la virtuosité G-funk de et mélangez-la à des influences à peine plus lointaines : l’excentricité funk de Rick James, es s de Thelonious Monk, la classe nu-soul de Raphael Saadiq (flagrante par exemple sur son tout premier single «  »). Ajoutez-y l’éclectisme romantique de André 3000 époque The Love Below, un flow à la tantôt bondissant tantôt fredonné et vous comprendrez aisément ce qui fait l’intérêt du personnage.

L’auto-proclamé King Of Pop (to pop = se surpasser, selon son propre jargon. Nul crime de lèse-majesté donc) évolue à un niveau de coolitude qu’il qualifie lui-même d’hellagood. Très élevé, quoi. Laissez le vulgaire swag aux rappeurs fast food et autres moutons hipsters. Comme Poly, adoptez plutôt le «  ». Énième néologisme employé à toutes les sauces ? Certes, mais plus qu’un style, qui se veut décalé et créatif, il englobe une philosophie de vie à part entière, enthousiaste et optimiste. Car il ne suffit pas de piquer la garde-robe 90’s bariolée et la désinvolture de , le pote de Will Smith dans Le Prince de Bel Air, pour s’improviser chantre de cette espèce de néo-dandysme street californien. Encore faut-il dégager une naturelle impression de facilité et une bonne humeur contagieuse.

Des ondes positives que notre grand échalas sait parfaitement retranscrire en chansons. Laidback, ensoleillées, joyeuses, celles-ci sont autant d’invitations à sortir se balader. Autrement dit, en VO, à «  », titre profession de foi de l’un de ses précédents clips. Peu importe d’ailleurs le moyen de locomotion : ça fonctionne aussi bien en ou en skate qu’en grosse cylindrée américaine (“The El Co”, hymne à la Chevrolet El Camino SS) ou allemande (“5-Hunnid Benz”, l’équivalent version Mercedes-Benz S500). Ce qui compte, c’est la flânerie. Variante du flacon et de l’ivresse chers à Musset. Le moindre morceau contient ainsi un parfum propice à l’évocation des plaisirs pas si futiles du quotidien. Qu’il s’agisse d’un verre de vin («  ») ou des courbes d’une «  », l’Évangile selon Saint-Poly ne préconise rien d’autre que de prendre le temps de les apprécier à leur juste valeur. Même s’il a un peu habité vers San Francisco (« I was born in L.A., spent time in the Bay / That’s why ya boy P say “Yee!” all day »), quelle meilleure muse que la Cité des Anges pour inspirer à Polyester de telles promenades mélodieuses et hédonistes ? Le côté yang de la ville du moins, cela va de soi, par opposition au yin des ghettos et des gangs. Imaginez la rage , crachée jadis par N.W.A., qui se serait noyée dans le triangle des bermudas en toutes saisons, quelque part entre les vieilles maisons victoriennes du district de West Adams, le mythique Forum d’Inglewood et les plages branchées de Venice et Santa Monica.

Né le 10 octobre 1982, ce pur produit de son environnement n’est en outre pas issu d’une famille de branques, puisqu’il est le petit-fils du , plus ou moins inventeur du gospel moderne, et le neveu de , membre du célèbre trio disco/funk Shalamar et chorégraphe de Michael Jackson. Talent et hérédité, long débat… Dès sa plus tendre enfance, il excelle à la batterie L’évènement déclencheur intervient au Noël de ses 13 piges, lorsqu’un ami de son père, un certain Stevie Wonder, lui offre un onéreux clavier Yamaha. Révélation : le jeune Christian sera compositeur. Après des études au Musicians Institute d’Hollywood, ce n’est toutefois qu’en 2009, grâce à , qu’il finit par quitter l’anonymat du studio de la diva R&B Chaka Khan, où il bossait comme ingé son et a appris les rouages du métier. Co-réalisée avec sous l’étiquette (“Los Angeles Unified Sound District”), la compilation aide à lancer les carrières de leurs collègues U-N-I, Pac Div, Overdoz, Casey Veggies, Bad Lucc, Shawn Chrystopher et, last but not least, . Polyester élit alors domicile aux et prolonge l’expérience en façonnant les nombreux petit(e)s prodiges du coin qui y enregistrent, notamment , dont il devient le pygmalion.

, , et donc le petit dernier , soit une livraison par an depuis 2010 : la discographie solo du rappeur, majoritairement auto-produite bien sûr, forme un ensemble cohérent qui respire le summertime éternel et fera ronronner les autoradios autant que les jolies filles (cf. l’ingénieuse vidéo de «  »). Surtout, étant donné sa saveur locale (parmi les featurings, seuls le Midwest Gangsta et le Texan ne représentent pas le la Californie), elle est incontournable pour qui souhaite goûter la quintessence de cette nouvelle garde moins sale môme qu’Odd Future et moins technique que Kendrick Lamar.

Prochaine virée prévue ? Un album pour décembre, sans oublier Flannels & Gold Chains, intrigant projet en duo avec , pas en reste dans le genre beatmaker surdoué (il a composé pour Wiz Khalifa, Curren$y, Big Sean, Mac Miller, etc.). Aucune info divulguée, sauf qu’ils promettent du new age G-funk. Si ça sonne comme «  » et «  », leurs deux uniques (et mortelles) collab’ à ce jour, un conseil : assurez-vous de faire le plein.

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