Chroniques

Pixies Indie Cindy

Nous ne vous ferons pas l’affront de vous rappeler ici pourquoi les Pixies sont importants, et ce qui a rendu aussi unique le groupe de Franck Black (car oui, il s’agit de son groupe avant tout). Si la simple évocation des lutins ne vous fait pas immédiatement trotter dans la tête deux ou trois titres (ce qui peut arriver, après tout, si vous vivez sur Bieberland) avant de vous demander quel est pour vous le vrai grand classique du quatuor, alors Indie Cindy (et cette chronique) ne constituent pas un bon point de départ. Jetez une petite oreille à Doolittle ou Surfer Rosa. Ou allez y à votre rythme, avec le best of Death To The Pixies, paru en 1997 et qui constitue une bonne mise en bouche avant d’aller plus loin. Bref, n’entamez surtout pas votre pélerinage avec Indie Cindy, encore une fois. Et en même temps, les non-profanes sauront déjà que cet album ne ressemble ni de près, ni de loin, à un album des Pixies. Indie Cindy n’est que la prolongation d’une licence.

Mine de rien, les Pixies sont aujourd’hui reformés depuis dix ans, soit quatre de plus que leur première vie (de 1986 à 1992). Ils ont pris leur temps, ont tourné histoire de faire déborder le portefeuille, et se révèlent d’ailleurs plutôt francs à ce sujet lorsque la question leur est posée. Fatalement, le moment est venu où le (maigre) back-catalogue du groupe eut été joué, rejoué, dans l’ordre, dans le désordre, à l’envers, sur disque et en live. En gros, le moment est venu pour les « Pixies » de relancer la machine à songwriting. Ce nouvel album est leur cinquième, et il a été enregistré sans Kim Deal. Un détail ? Pas vraiment (quiconque a écrit ou ne peut être considéré comme un détail).

Indie Cindy était déjà le nom d’un précédent EP, qui avait fait hurler de douleur à peu près tout le monde. C’est donc ça, désormais, les Pixies ? Du rock gras du bide, prévisible, en pilotage automatique et blindé de refrains FM ? Cela dit, difficile de trouver un quelconque exemple de groupe ayant sorti un album réussi 20 ans après le dernier (les Feelies et Big Star exceptés). Alors autant dire que Frank Black, David Lovering, Joey Santiago, et la pièce rapportée Paz Lenchantin, tentent très, très fort de faire du Pixies. D’ailleurs, cet album n’en est pas vraiment un : c’est une paresseuse compilation de trois EP égrenés ces derniers mois.

Et le disque, alors ? On y trouve quelques bons éléments : le refrain de « Indie Cindy », celui de « Snake ». Et… Heu… « Andro Queen » est plutôt mignonne et mélodieuse. Mais cette réverb’ est d’une laideur sans nom. Les guitares sonnent comme du 30 Seconds From Mars, et le tout se révèle terriblement indigeste. De temps en temps, la tension est là (« What Goes Boom »« Greens and Blues »), ce parfum de danger, de souffre, qui rendait les lutins si beaux dans la laideur. Mais il ne s’agit que de courtes fulgurances, rien de plus.

Totalement conscient désormais de sa propre légende, Franck Black est devenu le chanteur de son propre tribute-band. On peut trouver cela fascinant, on peut également trouver ça triste. Sans les Pixies, pas de Cobain, pas de « Smells Like Teen Spirit » (le couplet calme, le refrain exutoire, tout ça tout ça). C’était la marque d’un groupe, c’est aujourd’hui une recette. Cuisinée sans envie, sans imagination, sans prise de risque. Un truc fade, ni pour les fans, ni pour les foules, mais uniquement pour le groupe, qui ainsi s’autorise dix années supplémentaires sur les routes, en terminant, sans envie, chaque concert par « Where Is My Mind ? ».

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