Chez Paul Banks désormais (n’oublions pas qu’il a 34 ans) tout est familier : ses mèches blondes, infiniment fines, ses yeux bleus très sombres et surtout, sa voix de crooner baryton défoncée par la clope. Entre deux rendez-vous avec lui, au fil des ans, Interpol ou pas Interpol, le décor demeure sensiblement le même. Pas de raison que ça change avec ce deuxième album en solo, Banks, où l’on a droit à du Interpol dans le texte : mélange entre Mission of Burma et Television, sur des morceaux portés par des lignes de basses cinglantes.
On retrouve aussi chez Banks, cette sorte de « saudade » urbaine qu’on avait imaginé se résorber avec le temps. En 2002, le groupe déposait une gerbe en mémoire à New York, ville groggy, avec Turn on the Bright Lights. Et puis Paul entamait une première saison solo entouré de gratte-ciel sur Julian Plenti is… Skyscraper. Pas besoin d’avoir fait des études d’architecture pour comprendre que le décor de la pochette de ce de deuxième album est un bâtiment en construction. Une preuve supplémentaire que pour Banks aussi, la pierre est une valeur refuge.
Le disque est construit sur une équation à deux inconnues : la mélancolie et l’optimisme. « The Base » ouvre le bal et enfile des vêtements synthétiques gris alors que Banks proclame d’un ton presque moqueur : « maintenant il sait distinguer les mensonges de la vérité ». S’est-il emmêlé les passeports entre ses différents pseudonymes (DJ Fancy Pants ou Julian Plenti) ? On dirait plutôt qu’il lutte avec ses démons, à l’image d’un Keanu Reeves dans Constantine.
Une lutte prolongée par « Over My Shoulder », tube que Banks démarre sur un avertissement : « si tu as des attentes de merde, tu risques de te sentir bien faible ». Le chanteur prouve qu’il ne s’est jamais départi de la tension véhiculée par les cordes aiguës et les regrets amers. Probablement le morceau le plus beau plastiquement, « Arise Awake » vient ensuite se rompre sur un sample inaudible et destructeur.
Il y a dans le lot, des mélodies anxiogènes qui ressemblent typiquement à celles d’Interpol, comme sur les premières notes de « Paid for That » ou de « No Mistakes ». Banks revendique cet héritage et quand il tente de s’en écarter, il préfère compenser par des tentatives osées.
Plusieurs morceaux illustrent cette bande originale expérimentale ; « Lisbon » sur laquelle Paul reste muet mais balance un tempo méditerranéen. « I’ll Sue You » (texto : « je vais te coller un procès au cul ») qui donne à entendre une voix vocodée dont l’écho se répercute inlassablement. Et « Another Chance », un autre sommet du CD dans lequel, selon la BBC, un bout du film Blackout est remixé pour arriver à un tableau optimiste se distinguant du reste de l’album.
Alors qu’il finit sur une note plus allègre, avec « Summertime is Coming », on se dit que cet cet album peut parfois manquer de cohésion. Mais Banks prouve que s’il en a sous la chaussette, il n’en a surtout pas fini avec les comparaisons à Thom Yorke ou Frank Black.
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