Chroniques

The Pastels Slow Summits

On a rarement vu un tel modèle de modestie et d’intégrité. En plus de vingt-cinq ans de carrière, The Pastels n’ont toujours suivi qu’un seul avis : le leur. En 1986, le magazine anglais New Musical Express publiait C86, une cassette audio en forme d’état des lieux de la scène indépendante britannique. Aux côtés de Primal Scream ou The Wedding Present, le groupe de Glasgow faisait alors figure de tête de proue d’un genre en pleine construction. Mais après un premier album Up for the Bit with The Pastels paru dans la foulée, les écossais se sont progressivement fait plus discrets et les années séparant les albums se sont multipliées. Très rapidement, les Pastels se sont donc tenus à distance du mouvement C86 et de ce qu’on a parfois nommé la « twee-pop », affirmant au passage une envie d’exister au-delà des diktats médiatiques et des carcans de l’industrie musicale. Mais plus qu’un désir de retourner la table, c’est avant tout une profonde honnêteté déguisée en je-m’en-foutisme qui anime la démarche du groupe. Pourquoi publier un album par an lorsque l’on ne le souhaite pas réellement ? Pourquoi sortir deux disques moyens plutôt qu’un seul bon ? Des questions qui malgré l’évidence de leurs réponses mériteraient parfois d’être réexaminées par certains artistes hyperactifs. D’autant plus qu’à l’heure du Web et des home studio, les musiciens ont souvent accéléré leur rythme de production pour jouer à fond la carte de l’omniprésence médiatique. En 2013, The Pastels font donc figure de tortue géniale.

Cette lenteur est pourtant compréhensible de la part d’un groupe qui prêche l’ordinaire, la normalité et surtout la simplicité. Comme tout le monde, les Pastels aiment la musique et la jouent en dehors de leurs heures de travail, quand leurs jobs de graphiste et de bibliothécaire le leur permet. Rien d’étonnant donc à ce que le groupe fonctionne au rythme artisanal d’un album tous les quatre ou cinq ans. Si l’on compte d’ailleurs que leurs deux dernières réalisations discographiques n’étaient que des projets annexes (un disque collaboratif en 2009 et une BO en 2003), on peut considérer que ça fait plus de quinze ans que le groupe n’a pas sorti d’album en bonne et due forme. Mais malgré les années d’absence, les écossais ne portent pas de masques de robots et les unes des magazines n’ont donc pas été spammé par leur retour en toute modestie.

Loin de chercher à se ressourcer à la noisy pop et ses grandes plaines de guitares, le trio se languit ici dans une musique aux arrangements soignés et à l’écriture minutieusement travaillée. Parfois bercé par des cuivres discrets (« Night Time Made Us »), des cordes lascives (« Kicking Leaves ») et des rythmiques délicates, Slow Summits flotte dans une légèreté des plus rafraîchissantes. Le groupe mené par Stephen McRobbie et Katrina Mitchell fait preuve d’un détachement vis-à-vis des choses et d’une naïveté délicieuse comme sur le premier single «  » ou la conclusion « Come to the Dance » qui touchent tous les deux au cœur de l’évidence pop.

Bien sûr, on pourrait reprocher au groupe de ne pas faire dans l’originalité ou bien de dérouler un album un peu court faisant frôler leur sens de l’application avec une certaine paresse (après un tel temps de repos, seulement neuf morceaux ?). Mais concrètement, les Pastels s’en foutent. Ils se contentent de jouer la musique qui leur correspond : en dehors du temps, des tendances et de tout programme. Une honnêteté et une discrétion qui ne peuvent que forcer le respect. Nul doute que d’ici trente ans, le groupe sera toujours là, avec seulement deux ou trois albums de plus et toujours le même goût immodéré pour les aquarelles pop.

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