On ne sait pas trop comment aborder le mec au premier abord. La tête dans les nuages, un peu perdu mais bavard, planqué derrière ses lunettes de soleil, en pull sous un soleil de plomb. Michael Angelakos est bizarre. Malade, on le sait, lui-même revenant d’ailleurs sans aucun problème sur ses troubles mentaux (« je suis bipolaire depuis mes 17 ans, mais ça n’a rien à voir avec ma musique »). Salement talentueux, on avait encore quelques doutes. Le premier album de Passion Pit, « Manners », laissait déjà transparaître un certain nombre d’évidence. Déjà, Michael sait écrire de belles mélodies. Et à partir de là, tu n’as pas besoin de grand-chose d’autre pour boucler une chanson. Mais tout le charme de la chose réside justement dans ce qu’il se passe après. Sampler Mary O’Hara, soprani irlandaise, et Jack Kerouac dans une même chanson sans risquer la boursouflure ou, plus dangereux encore, une certaine prétention, où l’on s’écoute chanter, ce n’est pas chose aisée. C’est pourtant admirablement réalisé sur « Sleepyhead », douce comptine aux allures de hit de clubs, qui faisait quelque peu figure d’anomalie dans les charts au moment de sa sortie. L’album, lui, n’était pas rempli à la va-vite : « Let Your Love Grow Tall », « The Reeling » et surtout « The Seaweed Song » imposaient la classe de l’homme et l’aisance du compositeur à ses contemporains plus flemmards. Mais au-delà des 45 première minutes réglementaires (et 33 secondes précisemment), une seconde mi-temps de cette qualité était-elle envisage.
Oui. Douze fois oui. Une fois pour « I’ll Be Alright », et une fois pour « Take A Walk », des chansons aussi épiques que touchantes, aux textes moins cons qu’ils n’en ont l’air, et au charme instantané. Une fois pour « On My Way », l’un des meilleurs refrains de 2012, et une autre pour « Hideaway » (et pour la même raison). Une fois pour « Where We Belong », et encore une fois pour « It’s Not My Fault, I’m Happy », qui toutes deux laissent entrevoir la tournure plus audacieuse que les choses pourraient bien prendre dans les prochains mois. Douze fois oui donc. Et un peu plus chaque jour. Car « Gossammer » (que Google nous traduit par « gaze », mais également le nom d’un monstre tiré de l’univers de Bugs Bunny, voilà voilà, tu pourras briller dans tes dîners indie pop avec ça) n’est pas que l’album d’un été. Même s’il accompagne à merveille les derniers beaux jours de l’année. Sous la carapace globalement up-tempo du disque, se cachent milles trésors à découvrir, écoute après écoute. Il y a ces textes, souvent tristes, où il est question de séparation, de crises, et quand il chante « you can go if you want to, I’ll be alright », on devine à sa voix que c’est faux. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, l’amour n’est plus que cupidité. Noir c’est noir, et à chaque fois un peu plus au fur et à mesure que les chansons défilent. Michael Angelakos s’impose ici comme un grand songwriter, audacieux et accessible. Et comme un homme de goût : une nouvelle fois, les fans américains tirent la tronche, le groupe ayant autorisé l’utilisation de leur musique dans une pub pour Taco Bell, parce qu’ils adorent bouffer là-bas. On approuve.