Chroniques

Orval Carlos Sibelius Super Forma

Voyager dans les fantasmes d’un musicien pour qui la mélodie sera toujours la plus belle chose au monde, ça vous dit ? C’est à peu de choses près le postulat du troisième album d’Orval Carlos Sibelius, pseudo énigmatique derrière lequel se cache le parisien Axel Monneau (ex Snark, Centenaire et My Jazzy Child). D’emblée, Super Forma s’avère ce qu’il promettait d’être (sans qu’on puisse pour autant le trouver quelque peu déceptif) : une œuvre belle et abracadabrantesque, un album totalement en roue libre où des dédales instrumentaux enveloppent de petits bijoux de pop pointilliste, d’intentions stellaires et de guitares psychédéliques.

Ce qui frappe chez Orval Carlos Sibelius, et dans ce Super Forma, c’est la multiplicité des sons à entendre, des mélodies partout, en premier ou en second plan, brouillonnes ou tout en reliefs. Et le pire, c’est que tout semble s’articuler avec la plus parfaite des précisions, à la coule, sans démonstration vaseuse. Le parisien y multiplie les références (au psychédélisme africain, à la pop oblique des sixties, aux compositeurs de musiques de films italiens,…) jusqu’à façonner un mille-feuille ludique truffé d’histoire musicale, comme l’illustrent « Cafuron » et « Spinning Round »  qui sonnent comme deux inédits de l’album The Piper At The Gates Of Dawn de Pink Floyd période Syd Barrett, mais avec le son d’aujourd’hui.

Bien sûr, les auditeurs peu ouverts à ce gendre de mille-feuille mélodique pourront peut-être trouver cet album avant-gardiste un peu trop bordélique. Mais quelle science du bricolage, quelle expressivité dans la mélodie, quelle production (très discrète). Bref, voilà une haute idée du psychédélisme, tel qu’il doit se pratiquer en 2013, et dans les années à venir. Car oui, il va falloir s’y préparer : dès demain, se référer aux arabesques folles d’Orval Carlos Sibelius deviendra plus que jamais un boulot à part entière.

A croire que les œuvres fortes naissent en permanence dans la douleur. Celle-ci était en gestation depuis deux ans – un premier ingénieur du son ayant jeté l’éponge après quelques semaines de travail, laissant les clés de ce maelström sous acide à Stéphane Laporte (également producteur de Centenaire, Egyptology ou encore Karaocake). Une éternité à l’heure actuelle, et plus que jamais pour ce clochard céleste d’Axel Monneau qui, lassé, enregistra et publia son deuxième album entre temps (l’excellent Recovery Tapes en 2011).

Au milieu de ces expérimentations farfelues, de ce divorce avec toute forme de repères temporels, il y a bien sûr quelques singles. « Good Remake », notamment : grand tube épique où le goût pour l’électricité des Byrds ou de Kevin Ayers croise la beauté corrosive de Robert Wyatt. Un ultime sommet (sans compter « Burundi », chanson cachée en forme d’hymne tribal) qui vient confirmer que Super Forma, très élégant dans ses arrangements, audacieux dans ses cassures rythmiques, dosant brillamment l’onirisme et l’artisanat, est assurément un des albums les plus réussis de 2013.

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