En 2010, quand apparaît le premier album de Laura Lloyd et Jasmine White-Gluz, les deux nanas de No Joy, personne n’y retourne (bon, ok, en tout cas pas nous) : l’attitude et l’esthétique ne bénéficient pas du soutien de vraies chansons. Ghost Blonde n’est pas un mauvais disque, mais son shoegaze ligne sombre et sans surprise peine à intéresser plus de quelques minutes après la première écoute (un peu comme 90% des membres du bataillon de shoegazeux identiques qui a vu le jour à la même époque). Bref, No Joy a été rangé fissa au rayon « mais à quoi ça sert ? ». Si le constat est le même trois ans plus tard, après réécoute, le successeur de ce faux départ ne manque pas de gueule.
On ne parlera pas ici de Montréal, ville d’où viennent Lloyd et White-Gluz. D’abord parce que nous n’y sommes jamais allés (mais il paraît que c’est joli, discutons-en) et ensuite parce que, c’est elles qui le disent, « nous sommes totalement déconnectées de la scène locale. On a des potes musiciens, mais de là à dire qu’on a le sentiment de faire partie d’une bande ou un truc de ce genre ». On ne parlera pas non de ce fameux shoegaze, pour une bonne et simple raison : si nos deux amies du jour sont toujours accoudées à un pan de ce mur de son qui les caractérisaient, leur univers est désormais composé de plusieurs continents distincts. Sur Wait to Pleasure, No Joy, loin de se contenter d’un cliché façon carte postale, figé, sublime la chose. Derrière ce bon vieux mur, il y a désormais des idées. « Blue Neck Riviera » ressemble à du A Place To Bury Strangers sans pêche, mal assemblé. Le single « Here Tarot Lies », c’est de la pop, ni plus ni moins, plus Cure que Jesus & Mary Chain dans l’intention. « Lunar Phobia » a carrément le regard tourné vers Madchester, quand « Wrack Attack » donne une belle idée de ce que les protégées de Phil Spector feraient si le producteur démoniaque débutait sa carrière aujourd’hui.
Lloyd et White-Gluz semblent s’amuser ici, malgré tout un tas de points négatifs, Wait to Pleasure est un album vivant. On regrette un manque patent de mélodies marquantes, comme si elles préféraient aligner des petits bouts de queue de refrains. Mais en même temps, le groupe s’appelle No Joy, donc les rabat-joie dans notre genre sont sûrement dans l’erreur. Fidèles à leur esprit DIY et à leur amour pour les guitares (ici, le riff est la pièce maîtresse qui tient l’édifice en place), Laura et Jasmine invoquent un pot-pourri sixties un peu sombre avec le concours de machines plus modernes. Que craindre d’un groupe qui passe d’un univers à l’autre en quelques minutes ? Une certaine surenchère et un manque de cohérence. Sur Wait to Pleasure, elles évitent cet écueil. C’est con, avec des mélodies…