Chroniques

Motorama Calendars

Faisons un bond en avant dans le calendrier. Voilà… Nous sommes le 5 novembre 2037. Sur le plateau d’À la recherche d’un nouveau Tsar (un télé-crochet russe qui n’existe pas encore), Motorama, emmené par le quinqua’ Vladislav Parshin, entonne son nouveau tube : « Cold Me Maybe ». Un hommage vibrant à la cold wave que lui et son groupe exhumaient au début des années 2000, à la discrétion des fouineurs du web, sur des EP épars et un premier album, Alps (2010), puis sur un second, Calendar, sorti le 5 novembre 2012, il y a vingt-cinq ans. Cet album, premier à connaître une existence physique et commerciale, leur avait ouvert une petite lucarne médiatique, entre les bouillantes Pussy Riot dont la condamnation trustait la Une des grands médias, les coups de boutoir tous azimuts de Limonov et un Vladimir Poutine volant dans le ciel sibérien aux côtés de grues sauvages. Pour ne pas perdre en route les lecteurs un peu longs à la détente, revenons en novembre 2012, d’autant plus que Motorama est a priori condamné à un succès d’estime amplement mérité.

Contrairement à ses compatriotes ruskofs cités plus haut, le groupe ne s’encombre pas d’engagement politique car il a bien pigé que la musique, la nature et le temps sont plus grands que les hommes. Il suffit de regarder la pochette de Calendar et sa teinte bleue-rose terne. On y voit une barque figée sur l’eau, surplombée par des monts paisibles. La nature immuable et le temps qui passe (Calendar, « Sometimes », « During The Years ») écrasent de tout leur poids ces marins du dimanche aux visages couperosés qui, devenus immortels le temps d’une photo souvenir, compteront demain de nouvelles cicatrices cramoisies sous leur peau blanche. Le titre « White Light » nous met sur la voie : le blanc est bien la couleur qui prédomine sur l’ensemble de l’album, tant dans les sensations éprouvées (le rien, l’absence, le vide) que dans les arpèges opalins de ces guitares limpides. Inévitablement, on pense à « Turn On The Bright Lights » d’Interpol, surtout que la voix de Vlad Parshin, si on ferme l’œil gauche en avalant un shot de vodka Federazioa (ceci est un placement de produit), rappelle celle de Paul Banks. Ou celle de Matt Berninger de The National après un second shot.

La cold wave se lève à l’Est, à Rostov-On-Don précisément, à 1 000 km au sud de Moscou. C’est d’ailleurs dans la région que se sont éveillées les Armées blanches en août 1917, soutenues par la Triple Entente, les britanniques, américains, français en tête, pour combattre l’Armée Rouge. Un peu comme ces contre-révolutionnaires, la garde blanche Motorama s’adosse à des références basées à l’Ouest : Joy Division et The Chameleons pour la froideur new wave (claviers, batterie et basse ont la part belle), Sarah Records et Belle and Sebastian pour la candeur pop. Les paroles sont à l’avenant, tantôt suie, tantôt neige, de marbre ou de lumière. Sur « Scars », avec son refrain aigre-doux, le songwriting nostalgique de Vlad fait mouche : « Let him look back, he lost something there / Let him look back, he lost someone there » La perte, le vide, l’absence nous pousse à regarder en arrière ou vers le Sud (« To The South »), là où « la soirée refroidit le soleil » et nos petits coeurs balafrés.

Scroll to Top