Chroniques

Mogwai Rave Tapes
Attendre de Mogwai un changement radical d’album en album serait une erreur. En quinze années d’activité, depuis Young Team, son premier LP, la formation écossaise trace le sillon d’une musique instrumentale déclinant en de subtiles nuances une personnalité immédiatement identifiable. Pour ce Rave Tapes, leur huitième bébé, le groupe tire encore davantage un trait sur les lentes montées de guitares (signature du groupe à une époque) et sur le recours un peu trop automatique à des contrastes forts, entre calme et tempête, comme s’il leur fallait guider les émotions de l’auditeur. Le groupe dépouille également un peu plus ses compositions, gardant un format « chanson » toujours propice à un peu plus d’immédiateté.  
 
En ouverture, « Heard About You Last Night » sonne comme une réminiscence plus fouillée de l’atmosphère douce-amère, entre lumière et replis plus mélancoliques, de la bande-originale de la série Les Revenants. Un registre planant auquel succèdent les deux titres aux sonorités les plus électroniques de l’album : « Simon Ferocious », son post-krautrock tout en ronflements synthétiques, et « Remurdered », premier sommet de l’album. Comme inspiré des espaces sonores tourmentés de certaines signatures du label Warp (Clark en tête, comme ils nous le disaient dans notre récente interview) le titre équilibre parfaitement son introduction menaçante avec sa seconde moitié en forme de déferlement de boucles de synthés modulaires, nouveaux joujous favoris de Barry Burns.  
 
« Joujous », car il y a forcément un côté ludique dans cette réinvention permanente menée sur un tempo stakhanoviste (tournées, bandes-originales et disques à répétition : Mogwai ne s’arrête jamais). Le qualificatif un peu encombrant de groupe « éthique » associé à un déficit global d’image (la pochette de Rave Tapes ne leur fera probablement pas vendre beaucoup de tee-shirts) cache finalement une réalité bien moins prétentieuse que leur étiquette de « formation de moines rigoristes du drone ». 
 
Au vrai, le malentendu vient surtout de leur vision très pragmatique de la musique. Au lieu de se poser des questions existentielles et discourir sur sa place dans l’histoire du rock, étape généralement inévitable lorsqu’un groupe affiche plus de dix ans de carrière, Mogwai préfère continuer dans son coin à perfectionner sa formule comme au premier jour, mais avec plus de moyens, jouant parfois avec des idées passées (on ne peut pas trop leur en vouloir, vu leur catalogue) pour les confronter à de nouveaux instruments, techniques de production ou idées dans l’écriture.  
 
Une approche ludique se dévoilant par exemple avec la place de la voix dans les chansons. « Repelish » déploie ainsi un dialogue à la dynamique habile entre une partie de guitare et une mystérieuse voix au message pour le moins cryptique (le message, diffusé originellement sur une radio chrétienne US, évoque les messages satanistes subliminaux qu’on entend sur « Stairway To Heaven »). « The Lord Is Out Of Control », penchant mélancolique de leur classique « », voit le retour du vocoder, cette fois beaucoup plus en avant, pour un résultat chagrin. En outre, la voix de Stuart Braithwaite s’expose un peu plus sur le (pour une fois) bien nommé « Blues Hour ». 
 
Au lieu de « recyclage », on utilisera plutôt le terme de « recalibrage ». Les membres du groupe n’ont plus vingt-cinq ans et l’âge avançant, ils se découvrent peut-être un goût pour une musique plus concise et apaisée, moins dans la démonstration. C’est d’ailleurs peut-être pour cela que les titres les plus énervés (« Hexon Bogon » et « Mastercard ») sont les moins marquants. Mais, pour le reste, difficile de ne pas être à nouveau attrapé par ces mélodies au souffle inimitable, portées par des arrangements sonnant comme des appels à monter le volume toujours plus fort.
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