Chroniques

Midlake Antiphon

L’Antiphon (« antienne » en français) correspond aux versets chantés avant et après un psaume. L’ancêtre du refrain, en gros. Pour Midlake, il est : « la réponse la plus audacieuse à cette nouvelle phase dans la carrière du groupe ». Voilà comment Bella Union, label des Texans, nous explique la chose. Façon comme une autre de nous présenter le nouvel album du sextet. Mais ce qu’il faut surtout comprendre, et qui est évoqué à demi-mot ici, c’est que Midlake revient de loin.

En trois albums, et quelques titres incontournables (dont «  »), Midlake va compter parmi les plus belles formations pop des années 00. Ils sortent d’abord un premier album, Bamnan And Slivercork en 2004, qui éveille les sens. Puis un second deux ans plus tard, The Trials Of Van Occupanther, qui fait connaître le groupe en dehors des États-Unis. Et un troisième, The Courage of Others en 2010, qui vient prolonger l’écho des deux précédents. Tournées mondiales et collaborations de choix, avec le français Cascadeur notamment, sont désormais le quotidien des gars de Denton. Sauf qu’il y a tout pile un an, Tim Smith, cerveau de Midlake, quitte le navire en plein enregistrement d’un quatrième album. À partir de là, le split est une hypothèse envisageable. Eric Pulido, guitariste en second, le vit comme un véritable choc. On ne donne alors pas cher de l’avenir du groupe. Mais Midlake, le plus simplement du monde, décide de repartir de zéro.

Aujourd’hui, deux options s’offrent à nous. Soit on désespère d’avoir vu partir Smith, son timbre clair et la magie du songwriting qui allait avec, soit on choisit de croire en une possible résurrection. Pulido l’a expliqué : « Antiphon est la représentation la plus honnête qui soit, pour nous, en tant que vrai groupe. » Avec toute l’assurance du nouveau frontman qu’il est, il reconnaît que Midlake a su relever la tête et combler le vide laissé par Smith. Et une seule écoute suffit pour se rendre compte que le bonhomme n’a pas menti. Midlake réussit à nous emmener d’un bout à l’autre du nouveau chapitre de son histoire, même si Antiphon apparaît parfois comme un vieux Rubik’s Cube à qui il manque quelques cases. L’absence de certains repères déroute, mais n’empêche pas d’arriver à bon port. Plus vraiment folkeux, pas grossièrement rock non plus et sous dosage LSD mesuré, Midlake rouvre les portes d’une pop à la beauté singulière.

L’excellent « Antiphon » ouvre l’album dans une veine carrément Tame Impala. On rentre ensuite dans le vif du sujet avec « The Old and the Young », morceau qui amorce la longue traversée en terres psychédéliques qui suit. Aventure de laquelle on ne reviendra pas. Fleetwood Mac étant (toujours) en ligne de mire, on pense aussi aux flûtes de Jethro Tull. Puis arrive « Aurora Gone », chef-d’œuvre pop et future pierre angulaire dans la carrière du groupe. Elle est le point culminant de l’album, avant une douce descente vers « Ages », « This Weight » et cet effet phaser remis au goût du jour par Kevin Parker, qui plâne sur l’album.

On termine avec « Provider Reprise », clin d’œil au « Provider » du début d’album, qui reprend le « Far from a golden age » que répète Eric Pulido comme pour mieux nous faire comprendre que les heures de gloires passées du groupe sont aujourd’hui derrière lui. Sans tout chambouler et avec mesure, Pulido et sa troupe nous montrent qu’ils sont concentrés sur ce nouveau départ. Sans son ancienne tête pensante, Midlake a survécu, et ce de la plus digne des manières.

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