Chaque pavé sur la route de Main Attrakionz a été cimenté par le digital, de leurs premières mixtapes élaborées sur Pro Tools à l’amour des blogs qui leur a permis de percer. Difficile aussi d’imaginer ne pas avoir envie d’envoyer du love lourd au duo d’Oakland formé par Mondre M.A.N., mélange entre moindre homme et Mondrian, et Squadda B qui ont convié 13 producteurs différents sur leur album Bossalinis & Fooliyones tout en parvenant à conserver un son et un flow bien personnel.
« On ne savait pas faire des chansons. On les envoyait quand même aux sites et ils continuaient des les poster. C’était marrant. Au début ma mère m’engueulait en me disant de ne pas aller sur Internet, de ne parler à personne parce que les gens sont fous. » En matière de hip-hop, la baie de San Francisco regorge pourtant de mecs encore plus barrés. The Bay Area fait d’ailleurs figure de temple régulièrement pillé. L’argot west coast véhiculé dans les chansons d’E-40 ou de Mac Dre entreprend le voyage vers le mainstream quand la musique ne dépasse pas les ondes locales.
Heureusement, grâce aux Internets, les Main Attrakionz viole ce clivage. En 2011, leur mixtape 808s & Dark Grapes II -hommage boutade à la boîte à rythme et au 808s & Heartbreak de Kanye West, surfe sur la riche vague violette du rap « do it yourself » composée des enfants d’Odd Future, du centaure étrange Danny Brown, de Lil B, des beats brumeux de Clams Casino et du swag d’A$AP Rocky. Sans surprises, après avoir collaboré avec ⅔ des potes sus-mentionnés, Main Attrakionz est tagué venant du même supermarché.
Pourtant, leur mixtape – la 4e depuis leur dernière année scolaire (pour des gars de 20 piges ça va !), est loin d’être la plus conventionnelle. Main Attrakionz semble être d’abord le produit de son environnement, capitalisant sur une forme d’autarcie que le rap de la Bay Area cultive depuis Keak da Sneak, Hieroglyphics ou Luniz. « On nous a donné ce nom de ‘Cloud Rap’ (le rap des nuages – ndr) au début mais maintenant je comprends pourquoi. Cela fait sens. On a enregistré des trucs dans nos chambres et maintenant on décolle en avion. » Comme dans les chansons « Cloud Body » ou « Wings » où les deux gus chantent : « si j’avais des ailes, j’irais voler dans le ciel mais je peux pas donc je roule et je suis pété. »
Une touche d’originalité et de psyché qui donne à Squadda B et Mondre M.A.N. l’air de poser leur lyrics à l’horizontal. Ils ont trouvé la bonne approche, un gangsta rap qui ne se prend jamais trop au sérieux, comme dans « Liquor Runs » et « Bury Me A Millionaire » et un rap sérieux plutôt rigolo. « Green on Sight » qui ouvre l’album avec ses claviers optimistes et ses choeurs de G-funk prouve qu’ils sont parvenus à coucher avec la mode tout en restant sincère. Pour se dépareiller du reste de la bande, les boys abordent des thèmes novateurs comme les meufs, l’ambition et l’herbe. Trois ingrédients réunis sur « Do it for the Bay », qui ne sera probablement jamais l’hymne local des Raiders, où le duo chante « je veux du hash et un joint ». Le clip, tourné un peu sur un bateau, mélange des images de dock comme dans la deuxième saison de The Wire sans les polonais, en montrant tous les coins les moins touristiques d’Oakland.
Autre bémol, ils font aussi dans le name-dropping indé avec « Sex in the City » qui parle d’un anniversaire bourré avec Danny Brown ou de niquer des petites rates mannequins avec Das Racist. Avant le traditionnel enchaînement référence à Tupac (coucou San Francisco) ou Scarface dans « La Pinata », ce qui arrive quand on rappe la vie H24. Propulsés « Lo-Fi Kings », ce qui correspond, miracle, à la 4e track de l’album « LFK » qui couronne le duo, Main Attrakionz balance un album de rap pas vraiment mainstream mais parfaitement accessible. Pas forcément YOLO mais suffisamment côte Ouest pour se rafraîchir.